Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 21 février 2020, M. B... représenté par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'un défaut d'examen dès lors que l'avis médical sur lequel il se fonde date de plus d'un an ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elles méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
1. M. B..., ressortissant arménien né en 1969, déclare être entré en France en 2013. Sa demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile. Le 26 mai 2015, il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français. Le 30 janvier 2017, il a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Il demande l'annulation du jugement du 9 décembre 2019 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Saisi d'une demande de titre pour raison de santé sur laquelle il s'est abstenu de statuer dans les délais de l'article R. 311-12 du même code, le préfet doit nécessairement tenir compte de l'état de santé de l'intéressé comme de l'accessibilité à l'offre de soins au pays d'origine afin de faire reposer sa décision, ainsi que les principes de légalité l'y obligent, sur les circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Or, il ressort des pièces du dossier que l'avis émis, le 6 mars 2018, par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont le préfet du Rhône s'est approprié le contenu, se prononce sur l'insuffisance rénale dont souffrait M. B... et sur l'offre de soins nécessités par cette pathologie alors qu'au 30 avril 2019, date du refus de titre litigieux, M. B... avait subi une greffe nécessitant des soins d'une autre nature, appelant une nouvelle appréciation tant de son état de santé que de l'accès à des soins adaptés en Arménie.
4. Il suit de là que le préfet n'a pu, sans méconnaître l'obligation d'examen particulier de la situation de M. B... qui découle des dispositions précitées, refuser de lui délivrer un titre de séjour au visa d'un avis frappé de caducité par l'évolution de sa maladie et en considération d'une situation qui n'avait plus cours à la date de ladite décision. Le refus de titre doit, dès lors, être annulé ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français, la fixation du pays de destination et le jugement attaqué.
5. Eu égard au motif d'annulation du refus de titre, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, que le préfet du Rhône réexamine la demande de carte de séjour temporaire de M. B.... Il y a lieu de l'y enjoindre et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État à Me C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906221 lu le 9 décembre 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les décisions du 30 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B....
Article 4 : L'État versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public après mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.
N° 20LY00772 2
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