Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistré les 23 mars et 7 septembre 2020, M. B... représenté par Me Melmi demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- les faits reprochés ne sauraient lui être imputés ni considérés comme suffisamment graves pour justifier son licenciement, notamment en raison du comportement fautif de l'employeur ;
- les faits reprochés étaient prescrits lors de l'engagement de la procédure disciplinaire.
Par des mémoires enregistrés les 13 juillet et 4 septembre 2020, la société Joussot, représentée par Me Llamas, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Laborie, substituant Me Melmi, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., recruté par la société Joussot en 1984 comme ouvrier mécanicien, a été promu directeur adjoint depuis juin 2012 sur l'un des deux sites de l'entreprises, à Flogny La Chapelle, dans l'Yonne. Il est également investi du mandat de délégué du personnel. Le 10 août 2018, son employeur a saisi les services de l'unité territoriale de l'Yonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Bourgogne-Franche-Comté d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute, qu'a rejetée l'inspectrice du travail, par décision du 12 octobre 2018. Sur recours hiérarchique, la ministre du travail a, par décision du 7 avril 2019, annulé la décision de l'inspectrice du travail pour défaut de motivation et défaut de contradictoire et a autorisé le licenciement. M. B... relève appel du jugement qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la société Joussot :
2. La requête présentée par M. B..., dans le délai d'appel, ne se limite pas à la reproduction intégrale et exclusive de ses écritures de première instance. Elle répond ainsi aux exigences posées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait entachée d'un défaut de motivation doit être écartée.
Sur le fond du litige :
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. L'autorisation de licencier M. B... repose sur un comportement systématiquement autoritaire, occasionnellement humiliant, menaçant ou violent envers le personnel allant jusqu'au harcèlement. Or, les attestations produites par la société Joussot sont peu circonstanciées et contiennent plus de jugements de valeur sur la personnalité de M. B... que de faits datés et précis. La circonstance que ce dernier a occupé des fonctions d'encadrement, depuis janvier 2008 comme chef d'atelier, vient atténuer encore la portée de ces assertions, l'intéressé produisant des éléments laissant apparaître la qualité des relations qu'il entretenait avec les salariés du site. Si la confrontation de ces pièces tend à établir l'existence de difficultés relationnelles au sein de l'entreprise, il n'est pas démontré que le seul comportement de M. B... aurait dégradé l'ambiance de travail régnant au sein de l'entreprise au point d'être constitutif d'une faute justifiant son licenciement, alors qu'il n'a pas d'antécédent disciplinaire et que le directeur de l'établissement était majoritairement absent du site de Flogny La Chapelle, se déchargeant intégralement sur un salarié qui n'était pas professionnellement préparé à l'encadrement de treize agents d'atelier et qui l'avait informé de ses difficultés. Dans ces conditions, le comportement de M. B... ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 avril 2019 de la ministre du travail autorisant son licenciement. Ledit jugement doit être annulé dans cette mesure, ainsi que la décision du 7 avril 2019.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions de la société Joussot, partie perdante, dirigées contre M. B..., doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901597 lu le 22 janvier 2020 du tribunal administratif de Dijon et la décision du 7 avril 2019 en tant que le ministre du travail a autorisé le licenciement de M. B... sont annulés.
Article 2 : L'État versera à M. B... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Joussot.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
N° 20LY01171 2