Par jugement n° 1901600 du 7 avril 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 31 juillet 2019 et enjoint au préfet de l'Allier de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 mai 2020 et un mémoire enregistré le 7 janvier 2021, le préfet de l'Allier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1901600 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 avril 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la présomption d'authenticité attachée aux actes d'état civil produits par M. A... pour justifier de son âge n'était pas renversée par les éléments produits ;
- M. A... ne dispose pas en France de liens personnels et familiaux de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par mémoire enregistré le 17 septembre 2020, présenté pour M. A..., il conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Allier de réexaminer sa demande dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Allier ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les observations de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen qui déclare être né le 5 mai 2001 à Matoto (Guinée Conakry), est entré en France le 18 juillet 2017. Il a été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Allier, en tant que mineur isolé, jusqu'au 5 mai 2019, par deux jugements du juge des enfants près le tribunal de grande instance de Moulins des 2 janvier et 30 mars 2018. M. A... a présenté une demande de titre de séjour le 5 novembre 2018. Par arrêté du 31 juillet 2019, le préfet de l'Allier a rejeté cette demande et a assorti ce refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant un pays de destination. Le préfet de l'Allier relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'examen d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dixhuit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
4. L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
5. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. A... le titre de séjour sollicité sur le fondement de ces dispositions, le préfet de l'Allier s'est fondé principalement sur le caractère frauduleux du jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance et d'un extrait d'acte de naissance qu'il a présentés à l'appui de sa demande.
7. Il ressort cependant, d'une part, des rapports d'analyse documentaire du 28 janvier 2019 de la police aux frontières que le jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de première instance de Conakry III Mafanco du 27 juillet 2017 et l'extrait du registre de transcription de la commune de Matoto du 11 janvier 2018 produits par M. A..., qualifiés par ces rapports de " documents incomplets et irréguliers ", au motif d'une absence de double légalisation et d'une absence de certaines mentions, ont fait l'objet d'un avis défavorable sans être qualifiés de documents falsifiés ou obtenus de manière frauduleuse, même si ces irrégularités, comme l'exprime le rédacteur du rapport, ne permettent pas de regarder ces documents comme recevables au titre de l'article 47 du code civil. Dès lors, le préfet de l'Allier ne pouvait, sans entacher sa décision d'illégalité, se fonder, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A..., sur le motif tiré du caractère frauduleux des documents d'état civil produits par l'intéressé. Dès lors, si un doute légitime demeure sur la régularité de l'extrait des actes d'état civil produits par M. A..., le préfet de l'Allier ne pouvait se fonder, pour rejeter la demande de titre de séjour sollicité par ce dernier, sur le motif tiré de la détention d'un document faux ou obtenu de manière frauduleuse, la circonstance que l'absence de sécurisation de l'état civil en Guinée, pays d'origine de M. A..., serait de nature à faciliter l'obtention et l'usage d'actes frauduleux, ne suffisant pas à démontrer le caractère frauduleux des actes en cause.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Allier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 31 juillet 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A....
9. M. A... a obtenu l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Yossa Monkam, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Allier est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Yossa Monkam, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 20LY01390
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