Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2020, Mme C..., représenté par Me Deme, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020 en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour ainsi que les décisions du 2 août 2019 du préfet du Rhône portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;
2°) d'enjoindre le préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application des articles 4 et 5 de l'accord franco-sénégalais, elle aurait dû être admise au séjour en qualité de " salarié " sans qu'y fasse obstacle le refus de l'autorisation de travail du 4 mai 2018, puisqu'elle disposait d'un contrat de travail à durée indéterminée dont elle a justifié auprès de la préfecture du Rhône avant l'édiction du refus de titre de séjour en litige et que le préfet pouvait se fonder sur ce nouveau contrat pour délivrer le titre de séjour sans le communiquer à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (ci-après DIRECCTE) ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisqu'elle dispose d'une situation professionnelle et financière stable justifiant l'octroi d'un titre de séjour " salarié ".
Le préfet du Rhône, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Par courrier en date 18 décembre 2020, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre portant la mention " salarié " à une ressortissante sénégalaise, et de la possibilité d'y substituer en tant que de besoin la base légale tirée de l'article 4 de la convention signée le 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes et de l'article 321 de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention signée le 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, publiée par le décret n° 2002-337 du 5 mars 2002 ;
- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé à Dakar le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité sénégalaise, est entrée en France en décembre 2014 munie d'une carte de séjour résident-UE délivrée par l'Espagne valable jusqu'en janvier 2020. Elle s'est mariée en février 2015 avec un ressortissant français dont elle s'est séparée en septembre 2016 avant d'entamer une procédure de divorce. Alors titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français expirant en février 2019, elle a demandé, le 8 décembre 2016, le changement de son statut et sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2019 :
2. D'une part, en ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent notamment les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes. ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008. Aux termes de l'article 13 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention. ". L'article 4 de la même convention stipule que : " pour un séjour de plus de trois mois, les ressortissants sénégalais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation. ". L'article 5 de la même convention stipule que : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : (...) 2. D'un contrat de travail visé par le Ministère du Travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. ". Enfin, le sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord du 23 septembre 2006 entre la France et le Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires stipule que : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. ". Cette annexe IV mentionne notamment les emplois de serveur en restauration ou d'employé polyvalent en restauration.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / (...) La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". Selon l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".
4. Il résulte de ces stipulations que la situation des ressortissants sénégalais désireux d'obtenir une carte de séjour temporaire mention " salarié " est régie par les stipulations de l'article 5 de la convention franco-sénégalaise susvisée et non par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Rhône ne pouvait donc légalement se fonder, pour prendre l'arrêté contesté, sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 régit les conditions dans lesquelles les ressortissants sénégalais peuvent être admis à séjourner en France en qualité de salarié. Toutefois, et dès lors que l'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont privé Mme C... d'aucune des garanties prévues par les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-sénégalais, il y a lieu, pour la cour, de procéder à une substitution de base légale en examinant la légalité de la décision contestée au regard de ces dernières stipulations.
5. Il résulte de la combinaison des stipulations et de ces dispositions que la délivrance de la carte de séjour temporaire mention " salariée " à un ressortissant sénégalais est subordonnée à la production par ce dernier d'un contrat de travail visé par les autorités françaises, la circonstance que le métier ayant vocation à être exercé dans le cadre de ce contrat de travail figure à l'annexe IV précitée étant, à cet égard, indifférente.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., ressortissante sénégalaise, titulaire d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français a pu, sous couvert de ce titre, exercer un emploi salarié sans autorisation. Suite à la séparation avec son conjoint elle a demandé un titre de séjour afin de poursuivre l'exercice de cette activité salariée en France et en se prévalant d'un emploi de serveuse en restauration rapide. Il est constant que l'autorisation de travail, demandée par l'employeur de l'intéressée auprès de l'autorité administrative, a fait l'objet d'un refus par décision de la DIRRECTE du 4 mai 2018. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, cette seule circonstance suffisait à justifier le refus opposé à Mme C.... Si la requérante se prévaut d'un avenant à ce contrat de travail lui conférant la fonction de responsable de salle, il n'est pas démontré ni même soutenu que l'intéressée aurait, à l'occasion de la modification de son contrat de travail, obtenu une autorisation de travail ou fait viser ce contrat conformément aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le refus de titre de séjour opposé à Mme C... des stipulations précitées au point 2 n'est pas fondé et doit être écarté.
7. Enfin, si la requérante se prévaut de ce qu'elle dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis décembre 2016 lui procurant un salaire de l'ordre de 1 600 euros mensuels, il ne ressort pas de cette seule circonstance qu'en refusant un titre de séjour à l'intéressée, le préfet du Rhône ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours contenues dans l'arrêté du 2 août 2019. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
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N° 20LY01595
md