Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, Mme A... C..., représentée par Me Schürmann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 décembre 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du préfet de l'Isère du 26 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa demande ;
4°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- à défaut d'avoir instruit sa demande au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et a méconnu son droit d'être entendue ;
- la pathologie dont elle est atteinte justifie que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en s'estimant à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- l'arrêté en litige porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit d'observations.
Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
1. La requérante ayant été admise à l'aide juridictionnelle, il n'y a plus lieu de se prononcer sur sa demande d'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Mme A... C..., née le 17 décembre 1986, ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée en France le 23 septembre 2010 munie d'un visa d'étudiant. Elle a séjourné depuis en France sous couvert de titres de séjour d'étudiant jusqu'au 8 décembre 2016, puis sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile jusqu'au 19 juillet 2018. Le 22 juin 2018, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en faisant valoir son état de santé. Par un arrêté du 26 juillet 2019, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement en date du 10 décembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
3. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige, et il n'est pas contesté, que Mme C... a présenté, en déposant un dossier à la préfecture le 22 juin 2018, une demande de titre de séjour en faisant valoir son état de santé. Elle a produit à l'instance une télécopie du 28 mars 2019 adressée aux services de la préfecture, comportant une fiche de renseignements sur formulaire et une lettre manuscrite, faisant référence à cette demande et précisant qu'elle souhaitait, par cet envoi, déposer " en plus " une demande de titre de séjour pour circonstances exceptionnelles et vie privée et familiale, en citant en objet les articles L. 313-11 7°, L. 313-11 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en signalant enfin avoir transmis les documents utiles à l'appui lors de sa réception en préfecture. Si la requérante fait état d'échanges à l'audience de référé devant le tribunal administratif, la teneur de ces échanges, au cours desquels le représentant du préfet aurait indiqué ne pas avoir reçu ces documents et l'a invitée, ce qui ressort des échanges de courriels ayant abouti à un rendez-vous fixé au 23 octobre 2019 à 9 heures, ces circonstances sont en tout état de cause postérieures à l'intervention de la décision en litige, à la date de laquelle s'apprécie sa légalité. Le préfet, qui s'est abstenu de présenter des observations à l'instance, ne contredit pas utilement les affirmations de l'intéressée.
4. Dans ces conditions, Mme C..., dont il n'est pas contesté qu'elle a présenté sa demande initiale conformément aux dispositions de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifie avoir complété celle-ci en étendant son objet à l'obtention d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code. C'est dès lors à tort que les premiers juges ont regardé ces demandes comme présentées distinctement de la demande du 22 juin 2018, qui était alors encore en instruction, Mme C... exerçant à cette occasion son droit d'être entendue qu'elle tient de l'article 41 de la Charte de l'Union européenne, et écarté comme inopérants les moyens tirés de la méconnaissance de ladite Charte, du défaut de motivation de l'arrêté en litige et d'un défaut d'examen.
5. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 2, le préfet de l'Isère a examiné la demande de Mme C... au regard de son état de santé. Il ressort de la motivation de l'arrêté du 26 juillet 2019, qui est sur ce point suffisante, qu'il a également examiné particulièrement la situation personnelle de l'intéressée au regard de sa vie privée et familiale, statuant ainsi, sans que son omission dans les visas ait une incidence sur la légalité de sa décision, sur la demande de Mme C... au titre du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Cependant, d'autre part, il ressort de la même motivation que le préfet, qui n'a au demeurant retenu aucun des éléments présentés par Mme C... pour justifier de sa situation professionnelle, dont un contrat de travail à durée indéterminée et non déterminée comme l'a à tort relevé le tribunal, n'a pas examiné la demande de l'intéressée au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code qu'elle invoquait à l'appui de sa demande de régularisation de sa situation, et non des autres fondements de sa demande de titre. Dès lors, Mme C... est fondée à soutenir qu'en omettant de statuer sur ce fondement de sa demande, le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'un défaut d'examen et d'une insuffisance de motivation, à demander par ce motif l'annulation de l'arrêté, indivisible, du 26 juillet 2019, et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
7. L'annulation de la décision en litige pour ce motif implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de Mme C..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir la présente injonction d'une astreinte.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sans qu'il y ait lieu d'admettre Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme C....
Article 2 : Le jugement n° 1905774 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C... et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'État versera à Me Schürmann, avocat de Mme C..., une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour ce conseil de renoncer à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
N° 20LY00107