Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 avril 2020, 31 juillet 2020, 25 janvier et 1er février 2021, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du 8 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le tribunal a irrégulièrement statué sur une décision abrogée en raison du dépôt de demandes d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- son auteur s'est estimé lié par les décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;
- le dépôt de sa demande de réexamen, le 14 janvier 2020, et le dépôt de la demande d'asile de ses enfants le 14 janvier auraient dû conduire à son abrogation ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- elle méconnaît les articles 31 et 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et les articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du Sri Lanka comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par mémoires enregistrés les 26 juin, 2 septembre 2020 et 29 janvier 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Les circonstances que l'intéressée ait déposé une demande de réexamen de l'asile en préfecture de Cergy-Pontoise, le 14 janvier 2020, et que ses enfants aient déposé une première demande d'asile, le même jour, n'emportaient pas abrogation de la mesure d'éloignement en litige. Ainsi, le premier juge n'a pas entaché sa décision d'irrégularité en ne prononçant pas un non-lieu à statuer sur la requête de Mme B....
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, rappelé les éléments d'identification de l'intéressée, sa date d'entrée en France et le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA le 20 novembre 2018 et la CNDA le 29 novembre 2019, l'examen de la situation personnelle de Mme B... et de ses enfants sur le territoire français et relève notamment qu'elle n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacés ou qu'elle serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte les motifs de droit et de fait qui la fonde et est dès lors suffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dont les dispositions s'appliquent à l'énoncé des seuls motifs sur lesquels l'administration entend faire reposer sa décision et qu'ainsi, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel des éléments caractérisant la situation de Mme B..., que celle-ci regarde comme lui étant favorables et sur lesquels le préfet de la Drôme n'a pas cru devoir se fonder pour lui faire obligation de quitter le territoire français.
3. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet de la Drôme n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... ni qu'il se serait estimé en situation de compétence liée à l'égard des décisions de l'OFPRA et de la CNDA rejetant la demande d'asile de l'intéressée.
4. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire en litige méconnaît le droit d'être entendu, les articles 31 et 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et les articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou encore serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé (...) contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation (...), dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". L'article L. 743-2 du même code énumère les cas dans lesquels le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Aux termes de l'article L. 743-4 du même code : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 571-4, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L.741-1, ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve des cas de refus d'attestation de demande d'asile prévus à l'article L 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de réexamen ouvre droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce qu'il y soit statué. Si, préalablement à sa demande de réexamen, l'intéressée, en l'absence de droit au maintien sur le territoire, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, cette mesure n'est pas abrogée par la délivrance d'une attestation de demandeur d'asile mais ne peut être exécutée avant qu'il soit statué sur la demande d'asile, alors qu'aucune mesure d'éloignement ne peut être édictée postérieurement à la présentation de la demande, tant qu'il n'a pas été statué sur celle-ci. Le droit au maintien sur le territoire est conditionné par l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais l'intéressée peut y prétendre dès qu'elle a manifesté à l'autorité administrative son intention de solliciter un réexamen, l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 du même code ne lui étant délivrée qu'en conséquence de cette demande.
7. Il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la demande d'asile présentée par Mme B... par décision du 29 novembre 2019 et que le préfet de la Drôme l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, par décision du 8 janvier 2020. Postérieurement à ces mesures, l'intéressée a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, le 14 janvier 2020 et une attestation de demandeur d'asile lui a été remise. En application des dispositions précitées, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée avait manifesté sa volonté de demander le réexamen de sa demande d'asile avant que ne soit pris à son encontre, le 8 janvier 2020, l'arrêté litigieux, le préfet de la Drôme pouvait légalement édicter la mesure d'éloignement qui n'a pas été abrogée par la délivrance postérieure d'une attestation, laquelle faisait simplement obstacle à son exécution avant qu'il soit statué sur la demande de réexamen au titre de l'asile. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été implicitement abrogée par l'attestation de demande d'asile qui lui a été délivrée consécutivement à sa demande de réexamen à ce titre.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée sur le territoire français en août 2017 soit deux ans et demi avant la décision en litige et que si ses enfants sont scolarisés au collège, l'intéressée, qui ne dispose d'aucune autre attache privée et familiale sur le territoire français, ne présente pas d'élément d'intégration sociale ou professionnelle alors qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle est restée jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Enfin, si elle allègue que son mari serait en séjour régulier en Australie et ne voudrait plus avoir de relation avec elle et ses enfants, une telle circonstance, au demeurant non établie, n'est pas de nature à démontrer que l'arrêté en litige emporterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale sur le territoire français. En l'absence d'autres éléments, l'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En dernier lieu, et ainsi qu'il a été retenu par le premier juge, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de ses deux enfants nés en 2005 et 2006 ni de l'empêcher de pourvoir à leur éducation ainsi qu'à leurs intérêts matériels et moraux hors du territoire français. Par suite, et alors que l'intéressée n'est pas fondée à se prévaloir des demandes d'asile de ses enfants présentées postérieurement à l'arrêté en litige, elle n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'intéressée, qui a vu sa demande d'asile, rejetée par l'OFPRA et la CNDA, n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations tendant à démontrer la réalité et l'actualité des risques encourus dans son pays d'origine.
11. En second lieu, la circonstance, postérieure à l'arrêté en litige, qu'une demande d'asile ait été déposée pour le compte des enfants mineurs de Mme B... est sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de destination.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination prises par le préfet de la Drôme, le 8 janvier 2020. Dès lors, les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président-assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
N° 20LY01345 2