Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 21 août 2020, M. C... A... représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon lu le 23 juin 2020 ;
2°) de rejeter la demande de la société Stef Transport Lyon Est devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la société Stef Transport Lyon Est le versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais engagés en première instance et de 3 500 euros au titre des frais engagés en cause d'appel.
Il soutient que :
- la société Stef Transport Lyon Est a été mise à même de présenter ses observations écrites conformément à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de ce que la décision de l'inspecteur du travail était entachée d'illégalité en l'absence du respect du principe du contradictoire ; dans le cadre de l'enquête menée par l'inspection du travail, il n'a jamais pu visionner les images enregistrées par l'équipement de vidéosurveillance et n'a donc pas pu être mis en mesure d'expliquer les faits et actes enregistrés le concernant ;
- les faits reprochés ne sont pas établis et ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
La société Stef Transport Lyon Est et le ministre du travail, auxquels la requête a été communiquée, n'ont pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me D... substituant Me B... pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., employé depuis le 21 avril 1997 par la société Stef Transport Lyon Est et détenteur du mandat de délégué du personnel titulaire depuis le 22 janvier 2016, relève appel du jugement lu le 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de la société Stef Transport Lyon Est, la décision du 4 juin 2019 par laquelle le ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique née le 6 février 2019, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 août 2018 autorisant le licenciement de M. A... pour motif disciplinaire et refusé d'autoriser son licenciement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.
3. Il ressort des pièces de première instance que la demande présentée par la société Stef Transport Lyon Est devant le tribunal tendait seulement à l'annulation de la décision en litige, par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 août 2018 accordant l'autorisation de licencier M. A... puis a refusé de délivrer cette autorisation. Dès lors, le moyen, soulevé par ce dernier et non par ladite société, tiré de ce que la décision de l'inspecteur du travail, dont la légalité n'était pas contestée dans le cadre du litige soumis aux premiers juges, serait entachée d'illégalité en l'absence du respect du principe du contradictoire à l'égard du salarié lors de la procédure préalable à l'édiction de cette décision, était inopérant. Par suite, l'absence de réponse à un tel moyen n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué irrégularité.
Sur le bien- fondé de la demande :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 122-1 du code précité : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi le ministre chargé du travail, saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
6. Il ressort des pièces du dossier que, suite au recours hiérarchique présenté par M. A... à l'encontre de la décision du 3 août 2018 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, et en l'absence de réponse dans le délai de quatre mois, une décision implicite de rejet est née. Toutefois, par lettre du 16 mai 2019, reçue le 21 mai 2019 par la société Stef Transport Lyon Est ainsi que le démontre le tampon de réception apposé sur ce courrier produit en première instance, le ministre du travail a informé la société qu'il envisageait de procéder au retrait de sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique " pour des motifs de légalité tenant notamment au fait qu'il existe un doute sur la réalité des faire allégués à l'encontre de M. A... à l'appui de votre demande et que ce doute doit profiter au salarié " et l'invitait à présenter toute observation écrite avant le 23 mai 2019. Or, si, selon la décision en litige du 4 juin 2019, la société a produit un courriel d'observation le 23 mai 2019, les constatations précitées permettent de relever, ainsi qu'il a été fait à bon droit par les premiers juges, d'une part, que la société Stef Transport Lyon Est n'a bénéficié que d'un délai de deux jours ouvrés pour présenter ses observations au regard de la date du 23 mai 2019 indiquée par l'administration dans le courrier précité et d'autre part, que la décision en litige est non seulement fondée sur la circonstance que le doute doit profiter au salarié quant à la matérialité des faits reprochés mais également sur un autre motif, tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire préalablement à la décision de l'inspecteur, non porté à la connaissance, dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la décision en litige, de la société, qui n'avait dès lors pas été mise à même de présenter des observations et avait ainsi été privée de la garantie prévue par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.
7. En second lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
8. Il ressort des pièces du dossier et particulièrement du constat d'huissier du 25 mai 2018 et du rapport de visionnage établi par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique le 19 décembre 2018, que M. A... alors en charge de préparer les commandes de deux des clients de la société en constituant des palettes de colis de marchandises, était affecté à des zones géographiquement délimitées dans l'entrepôt correspondant à chaque client. Les constatations précitées révèlent que M. A... a participé avec d'autres salariés, notamment lors de la nuit du 23 au 24 mai 2018, au détournement de plusieurs colis destinés à des clients de la société en transférant lesdits colis sur une palette de colis de produits de la mer située à l'extérieur des zones, laquelle a été ensuite emportée par le conducteur d'une entreprise sous-traitante. M. A..., qui se borne à faire valoir que ses déplacements dans l'entrepôt étaient nécessités par l'exécution de ses tâches, n'apporte aucun élément de nature à expliquer ni les manipulations de colis sur des palettes autres que celles qu'il devait préparer ni la circonstance que ces colis aient été emportés par un conducteur d'une société sous-traitante. Compte tenu de ces circonstances, la soustraction reprochée au requérant des produits de la société est établie. Enfin, et alors que le constat d'huissier révèle que d'autres manipulations de ce type ont eu lieu notamment lors des nuits du 2 au 3 mai 2018, du 3 au 4 mai puis du 11 au 12 mai de la même année, la réitération de ces agissements, nonobstant l'ancienneté de M. A... dans l'entreprise, emporte que les faits en litige étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 4 juin 2019 par laquelle le ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique née le 6 février 2019, avait annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 août 2018 et refusé d'autoriser son licenciement. Par voie de conséquence et dès lors que la société Stef Transport Lyon Est n'est pas la partie perdante, les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la société Stef Transport Lyon Est et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
N° 20LY02404