Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 15 octobre 2020, le préfet de l'Ain, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme D... dirigées contre les décisions du 5 février 2020 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les arrêtés en litige portaient atteintes aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, si les deux filles du couples disposent d'un titre de séjour, elles sont adultes et en âge de poursuivre leur vie familiale et professionnelle sans l'assistance de leurs parents et cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'elles poursuivent leur vie privée et familiale au Kosovo ; il n'existe aucune situation particulière de dépendance entre Mme D... et sa soeur qui bénéficie du statut de réfugié en France ; M. D... ne produit aucun élément attestant de l'exercice d'une activité professionnelle en France depuis son entrée sur le territoire ; l'intéressé ne démontre pas être menacé dans son pays d'origine ; Mme D... ne fait état d'aucune projet professionnel et ne démontre aucune intégration en France ;
- les moyens développés en première instance n'étaient pas fondés.
Par mémoires enregistrés le 30 novembre 2020, M. B... D... et Mme F... D..., représentés par Me C... concluent au rejet de la requête du préfet et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à leur conseil, chacun en ce qui les concerne, de la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me E..., substituant Me C..., pour M. et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; /(...). "
2. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D..., ressortissants du Kosovo nés respectivement les 4 décembre et 15 avril 1976, déclarent être entrés en France avec leurs enfants mineurs, alors âgés de quatorze, douze et onze ans, le 13 février 2013. Après le rejet de leur demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile par décisions du 4 septembre 2014, ils ont fait l'objet de plusieurs refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement, notamment les 6 octobre 2014, 13 mars 2015 et 9 mars 2016, qu'ils n'ont pas exécutées. Si ces derniers entendent se prévaloir de la durée de leur séjour sur le territoire français, de leur volonté d'intégration et de la présence régulière de leur deux plus jeunes filles, désormais majeures, il ressort toutefois des pièces du dossier que leur présence sur le territoire français résulte du maintien des intéressés en dépit de plusieurs mesures d'éloignement, confirmées par des décisions juridictionnelles, alors que leur fils aîné fait également l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement et que, si leurs filles bénéficient d'un titre de séjour compte tenu de leur entrée sur le territoire français avant l'âge de treize ans et y poursuivent des études, cette dernière circonstance ni aucune autre ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine de l'ensemble des membres de la famille et où les intimés ont vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Par ailleurs, l'insertion professionnelle de M. D... est limitée à une expérience professionnelle postérieure à l'annulation prononcée par les premiers juges alors que son épouse, hormis la production d'une promesse d'embauche, n'apporte aucun autre élément probant sur son insertion. Compte tenu de ces circonstances, c'est à tort que, pour annuler les refus de séjour en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que ces décisions méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens des demandes présentées par M. et Mme D... tant en première instance qu'en appel.
4. En premier lieu, les refus de séjour en litige ont été signés par M. A..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration de la préfecture de l'Ain qui disposait d'une délégation de signature à cet effet par arrêté n° 01-2019-11-05-001 du 5 novembre 2019 publié au recueil des actes administratifs spécial du 6 novembre 2019. Ils ne sont dès lors pas entachés d'incompétence.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...). " Le maintien de M. et Mme D... en situation irrégulière sur le territoire français ainsi que l'existence, pour M. D... d'un diplôme de carrossier et l'usage de la langue française, pas plus que les craintes alléguées en cas de retour dans le pays d'origine ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 2 et en l'absence d'autre élément, les arrêtés en litige ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle des intimés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés du 5 février 2020 refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme D.... Par suite, le jugement attaqué doit être annulé et les demandes d'annulation présentées par M. et Mme D... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les demandes d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 2001345, 2001346 lu le 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme D... devant le tribunal et devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... D... et Mme F... D....
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain et au procureur près le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
N° 20LY02968 2