Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 janvier 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 29 novembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de condamner l'ASA du canal de Gignac à lui verser une provision de 35 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'ASA du canal de Gignac la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- devant le tribunal administratif, l'ASA, n'a pas contesté sa responsabilité dans la survenance de l'accident dont il a été victime ;
- la responsabilité de l'ASA peut être engagée, à titre principal, en raison d'une faute caractérisée par le non respect d'une norme de sécurité, à titre subsidiaire, en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et, à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de la responsabilité pour risque ;
- d'une part, en s'abstenant de sceller au mur une structure métallique, qui s'est effondrée sur sa tête, l'ASA a commis une faute en ne respectant pas les normes de sécurité ;
- d'autre part, l'accident a eu pour origine la chute d'une structure métallique dans un entrepôt de l'ASA, partie intégrante de cet entrepôt, et qui constitue un ouvrage public et, en sa qualité d'usager de cet ouvrage public, il doit être indemnisé de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux en raison d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
- en outre, même en l'absence de faute ou de défaut d'entretien normal, il a droit, en sa qualité d'agent public victime d'un accident de service, à l'indemnisation de son préjudice extra-patrimonial ;
- il résulte du rapport de l'expert que son préjudice doit être évalué à 35 397 euros et ainsi il sollicite une provision de 35 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, l'ASA du canal de Gignac, représentée par la SCP d'avocats Dillenschneider, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport de l'expert est contestable sur l'existence de séquelles à la suite de l'accident de service subi par M. C... ;
- à titre subsidiaire, si le rapport d'expertise devait être retenu, l'indemnisation demandée est surévaluée et le montant réclamé ne pourra être alloué.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie, mutualité sociale agricole de l'Hérault, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu :
- Vu la décision du 17 février 2018 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille désignant Mme Buccafurri, présidente de la 9ème chambre, pour juger les référés.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 21 juin 1865 ;
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., employé en qualité de garde-canal par l'Association syndicale autorisée (ASA) canal de Gignac, a, le 13 octobre 2015, reçu sur la tête une structure métallique alors qu'il était chargé de faire le ménage dans un entrepôt de l'ASA. Transporté aussitôt aux urgences, il est resté hospitalisé jusqu'au 17 octobre 2015 pour un traumatisme crânien et rachidien générant une fracture de l'Atlas (fracture de Jefferson). Par une ordonnance du 10 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné une expertise médicale en vue de procéder à l'évaluation du préjudice subi par l'intéressé et l'expert a déposé son rapport le 30 mai 2017. Saisi par M. C... d'une demande tendant à l'octroi d'une provision au titre de l'indemnisation de ses préjudices consécutifs à cet accident, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande par une ordonnance du 29 décembre 2017 dont M. C... relève appel.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à l'encontre de l'ASA du canal de Gignac :
3. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité d'une personne publique ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.
4. M. C... demande une provision, à titre principal, sur le fondement de la faute qui aurait été commise par l'ASA du canal de Gignac, à titre subsidiaire, sur le fondement de la faute résultant du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public constitué par l'entrepôt dont l'ASA est propriétaire et, à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement du risque.
5. En premier lieu, en se bornant à invoquer le non respect par l'ASA d'une norme de sécurité sans autre précision et en versant au dossier la plainte qu'il a déposée qui ne permet pas davantage d'identifier la norme de sécurité qui aurait été méconnue par l'ASA, M. C... n'établit pas la faute qui aurait été commise sur ce point par l'ASA.
6. En second lieu, et en revanche, il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage. La collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
7. D'une part, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, les associations syndicales autorisées sont des établissements publics à caractère administratif. En vertu de l'article 3 de cette même ordonnance, les droits et obligations qui résultent de la constitution d'une association syndicale autorisée sont attachés aux immeubles compris dans le périmètre de l'association et les suivent, en quelque main qu'ils passent, jusqu'à la dissolution de l'association ou la réduction de son périmètre. Il résulte de l'instruction que l'accident dont M. C... a été victime est survenu alors qu'il travaillait dans un entrepôt appartenant à l'ASA du canal de Gignac, dont l'objet est l'entretien de ce canal permettant d'irriguer les terres comprises dans son périmètre. Il résulte également de l'instruction, notamment de l'attestation d'un garde-canal produite en défense par l'ASA du canal de Gignac, que cet entrepôt, qui est un hangar technique qui est utilisé pour la préparation des chantiers, est aménagé et directement affecté au service public exécuté par l'ASA du Canal de Gignac et constitue, en conséquence, un ouvrage public.
8. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal d'audition de M. C..., dressé le 26 octobre 2015 par les services de la gendarmerie de Lodève, dont les mentions ne sont pas contestées par l'ASA du canal de Gignac, que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'accident dont M. C... a été victime est directement imputable à la chute sur sa tête d'une structure métallique installée au sein de l'entrepôt et dont l'effondrement est dû au fait que cette structure métallique n'était pas scellée au mur mais simplement posé contre celui-ci. M. C..., qui exerçait son activité professionnelle lors de cet accident, avait la qualité d'usager de l'ouvrage public constitué par l'entrepôt appartenant à l'ASA du canal de Gignac. Celle-ci ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de cet ouvrage public. M. C... est, en conséquence, fondé à rechercher la responsabilité de l'ASA du canal de Gignac sur ce fondement. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C..., qui a agi sur instructions d'un technicien de l'ASA, ait commis une imprudence fautive de nature à exonérer en tout ou partie l'ASA de sa responsabilité. Par suite, M. C... est en droit de prétendre à l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices en lien direct et certain avec le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public appartenant à l'ASA du Canal de Gignac. Dès lors, M. C... justifie, en l'état de l'instruction, d'une obligation non sérieusement contestable à l'encontre de celle-ci.
Sur le montant de la provision :
9. M. C... demande l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux subis du fait de l'accident dont il a été victime.
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
10. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, qu'à la suite de son hospitalisation, et avant la consolidation de son état de santé, fixée par l'expert à la date non contestée du 2 juin 2017, M. C... a été contraint de porter en continu un corset thermo coulé pendant une durée de six mois puis a effectué de séances de kinésithérapie jusqu'en mars 2017. Le rapport de l'expert, non contesté sur ce point, relève que M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 13 octobre au 17 octobre 2015, un déficit fonctionnel temporaire de classe 3, soit une incapacité temporaire de 50 %, du 18 octobre 2015 au 18 mars 2016, puis de classe 1, soit une incapacité temporaire de 10 %, du 19 mars 2016 au 2 juin 2017. La créance relative à ce chef de préjudice n'apparaît pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 4 000 euros.
11. D'autre part, l'expert a retenu un indice de 2,5 sur une échelle allant jusqu'à 7 pour les souffrances endurées par M. C.... La créance relative à ce chef de préjudice n'est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 3 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices permanents :
12. L' expert judiciaire, dont les conclusions sur ce point ne sont pas remises en cause par l'attestation établie par un des collègues de M. C... et versée au dossier par l'ASA du canal de Gignac, a fixé le déficit fonctionnel permanent de l'intéressé au taux de 16 %. Compte tenu de l'âge de M. C..., soit 57 ans à la date de la consolidation en 2017, la créance relative à ce chef de préjudice n'est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 27 000 euros.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de provision. Dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, il est fondé à demander l'annulation de cette ordonnance et la condamnation de l'ASA du canal de Gignac à lui verser une provision d'un montant global de 34 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à l'ASA du canal de Gignac au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ASA du canal de Gignac une somme de 500 au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du 29 novembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : L'association syndicale autorisée du canal de Gignac est condamnée à verser à M. C... une provision de 34 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'association syndicale autorisée du canal de Gignac versera à M. C... une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'association syndicale autorisée du canal de Gignac sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... et à l'association syndicale autorisée du canal de Gignac.
Copie en sera adressée à la caisse MSA salarié.
Fait à Marseille, le 7 mai 2018
6
N° 18MA00132