Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018, MmeB..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 décembre 2017 ;
3°) de faire injonction au préfet de l'Hérault de lui délivrer sans délai un titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, se bornant à tirer les conséquences du refus d'asile alors que le temps écoulé depuis sa demande d'asile exigeait qu'il la mette à même de présenter des observations et réexamine son cas ;
- la mesure d'éloignement en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article L. 511-4 10° du même code ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, qui sont scolarisés, et a donc été prise en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur de droit et a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision a été prise en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., de nationalité albanaise, est entrée en France en février 2017, accompagnée de ses deux enfants mineurs, et y a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 avril 2017 confirmée le 10 novembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet de l'Hérault a dès lors pris à son encontre, le 5 décembre 2017, un arrêté lui assignant l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel, passé ce délai, elle pourrait être renvoyée d'office.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent (...) par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient MmeB..., le temps qui s'est écoulé entre le dépôt de sa demande d'asile et la mesure d'éloignement en litige, limité à dix mois, n'imposait nullement au préfet de l'Hérault d'examiner d'office si l'intéressée, déboutée du droit d'asile, pouvait néanmoins prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ni de l'inviter à présenter des observations afin de compléter les informations dont il disposait à son sujet. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet, faute d'avoir mis en oeuvre une telle procédure préalable, n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, a été à bon droit écarté par le tribunal, lequel, en outre, a suffisamment motivé son jugement sur ce point.
4. En deuxième lieu, Mme B...ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui régissent la délivrance des titres de séjour et non les mesures d'éloignement.
5. Aux termes, en troisième lieu, de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
6. Les documents médicaux produits par Mme B... font apparaître qu'elle souffre d'une hernie discale et d'un syndrome anxio-dépressif occasionnant notamment des troubles du sommeil et de l'appétit, mais ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge de ces pathologies, la première d'entre elle étant d'ailleurs très peu documentée, pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en outre, qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement du traitement approprié en Albanie ni que le simple fait de retourner vivre dans ce pays l'exposerait, par réminiscence des violences conjugales qu'elle y a subie ou en raison de la circonstance que son ex-époux y vit toujours, à une aggravation de son état de santé. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'un risque de même nature serait encouru par les deux enfants mineursC... B..., âgés de quatorze et dix ans, dont l'état de santé, à l'examen des attestations de la psychologue qui les a reçus en consultation en octobre 2017, n'apparaît pas particulièrement alarmant même s'ils ont subi le contrecoup des violences infligées à leur mère. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° précité du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté. Il en va de même, pour les mêmes raisons, du moyen tiré de ce que la décision en litige procède d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B...et de ses enfants ;
7. En quatrième lieu, la seule circonstance que les enfants de Mme B...sont scolarisés ne saurait suffire à caractériser la méconnaissance alléguée, par la décision fixant le délai de départ volontaire, de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;
8. En cinquième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, en désignant l'Albanie comme pays de destination de Mme B..., aurait négligé de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressée et, ce faisant, aurait commis une erreur de droit.
9. Aux termes, en sixième lieu, de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Mme B...fait valoir qu'elle a été victime jusqu'à son divorce, prononcé en 2013, de violences conjugales et que son ex-époux continue de proférer des menaces contre elle et ses enfants. Toutefois, et alors que sa demande d'asile a été rejetée, ainsi qu'il a été dit, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la réalité des risques allégués en cas de retour en Albanie ni l'incapacité des autorités de ce pays, s'agissant d'un conflit d'ordre privé, à assurer à la requérante et à ses enfants leur protection. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne saurait dans ces conditions être accueilli.
11. Enfin, si les enfants de Mme B...ont jadis assisté aux violences conjugales infligées à leur mère, scènes traumatisantes à l'origine de sentiments d'angoisse et d'insécurité, il n'est pas démontré, comme il a été dit aux points 6 et 10, que leur retour en Albanie les exposerait à une aggravation de leur état psychique ou à la vindicte de leur père. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît leur intérêt supérieur, en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant, doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme B...est manifestement dépourvue de fondement et, le délai d'appel étant venu à expiration, doit être rejetée selon la modalité prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, y compris ses conclusions en injonction et celles formulées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N NE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Fait à Marseille, le 13 novembre 2018.
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N° 18MA03175