Par un jugement n° 1904165 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'État due au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnait l'article L. 311-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur d'appréciation ;
- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours est insuffisamment motivée ;
- la mesure d'éloignement méconnait aussi l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnait en outre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est enfin entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit d'observations en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 27 novembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étranger malade que lui avait présentée le 21 juin 2018 Mme D..., ressortissante malgache, sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme D... relève appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Mme D... justifie être présente en France depuis le mois d'août 2015, date de sa prise en charge par le service d'ophtalmologie de la Timone pour une occlusion de la veine centrale de la rétine (OVCR) droite compliquée d'oedème maculaire. Elle a bénéficié à ce titre d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, à compter du 23 mars 2016. Il ressort des pièces du dossier que son état de santé nécessite encore des soins. Par ailleurs elle est veuve et réside chez sa fille, titulaire d'une carte de résident de dix ans, qui est aussi mère de quatre enfants. La requérante justifie en outre être intégrée socialement par la production, d'une part, d'une attestation du directeur de l'école maternelle du 8 janvier 2019 selon laquelle elle assure les accompagnements de ses petits-enfants et les relations avec le personnel enseignant, et, d'autre part, d'une attestation du secours populaire du 13 décembre 2019 selon laquelle l'intéressée est bénévole depuis le mois de juin 2018 " en soutien sur le vestiaire solidaire et la permanence d'accueil de solidarité et de santé, au siège départemental de l'association " qui souligne son investissement et sa présence minimum trois jours par semaine. Dans ces conditions, en refusant de l'admettre au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Enfin l'article L. 911-3 du même code dispose que: " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
5. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme D... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". La requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1904165 du 30 septembre 2019 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 novembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à Me C..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.
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N° 20MA00845
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