Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2018, la commune d'Hyères, représentée par Me BarbeauBournoville, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2018 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Villa Eglantine, de M. A... G... et de Mme C... D... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandeurs de première instance n'ont pas intérêt à agir car ils ne justifient pas être effectivement propriétaires ou exploitants d'appartements aménagés dans l'immeuble implanté sur la parcelle cadastrée section J n° 1558 ;
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative en s'abstenant de communiquer aux parties à l'instance les éléments qui lui ont permis d'arrêter sa conviction sur l'intérêt à agir des requérants ;
- le dossier de déclaration préalable ne fait pas état d'un changement de destination ;
- en tout état de cause, l'aménagement de 3 chambres d'hôtes au sein d'un immeuble d'habitation existant n'entraîne pas un changement de destination au sens de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, car il ne transforme pas la destination d'habitation en destination hôtelière ;
- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 21 mars 2019, la SAS Villa Eglantine, M. A... G... et Mme C... D..., représentés par Me H..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Hyères de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable car, en méconnaissance de l'article R. 431-2 du code de code de justice administrative, elle a été présentée sans avocat et la commune n'a constitué avocat qu'après l'expiration du délai d'appel ;
- la requête est irrecevable car le maire n'a pas été autorisé à ester en justice par le conseil municipal conformément aux dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- le dossier de déclaration préalable est incomplet au regard de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnaît l'article 10 du règlement du lotissement Héliopolis sur les règles de hauteur ;
- le projet méconnaît l'article 11 du règlement du lotissement Héliopolis ;
- la décision attaquée est entachée de fraude.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me BarbeauBournoville, représentant la commune d'Hyères et de Me H..., représentant la SAS Villa Eglantine, M. A... G... et Mme C... D....
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Villa Eglantine, M. A... G... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 26 août 2014, par lequel le maire de la commune d'Hyères ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de M. B... F..., portant sur la rénovation de toitures et la modification de façades d'un bâtiment implanté sur un terrain situé corniche de l'Arbousier, dans l'Ile du Levant, sur le territoire de la commune. Par un jugement du 20 avril 2018, dont la commune d'Hyères relève appel, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision de non opposition à déclaration de travaux, au motif qu'elle s'accompagne d'un changement de destination, eu égard à l'aménagement de studios destinés à la location saisonnière, et que les travaux auraient dû donner lieu au dépôt d'une demande de permis de construire.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
2. En premier lieu, l'article R. 431-11 du code de justice administrative dispose : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. ". Le défaut de ministère d'avocat peut toutefois être régularisé jusqu'à la clôture de l'instruction, y compris après l'expiration du délai d'appel. Si la commune d'Hyères a introduit sa requête d'appel sans avocat, il ressort des pièces du dossier qu'elle a constitué un avocat avant la clôture de l'instruction.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 18 avril 2014, le conseil municipal de Hyères a donné délégation au maire de la commune pour exercer toute action en justice conformément aux dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 août 2014 :
4. Aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme , dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires :... c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 "... ". Aux termes de l'article R. 123-9 du même code, dans sa rédaction également applicable : " .... Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif... ".
5. Une décision de non opposition à une déclaration de travaux n'a d'autre objet que d'autoriser la réalisation de travaux conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.
6. D'une part, il ressort de la demande de déclaration de travaux déposée le 31 juillet 2014 par M. F... qu'elle avait pour objet la rénovation de toitures et des modifications de façades. En tout état de cause, le seul fait de proposer à la location des studios équipés en période estivale n'est pas de nature à établir l'existence d'une activité hôtelière au sens des dispositions précitées. Les travaux en litige n'ont donc pas eu pour objet de modifier la destination du bâtiment à usage d'habitation existant. La commune d'Hyères est fondée dès lors à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que ces travaux, qui ont pour effet de modifier la façade du bâtiment, s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 et devaient faire l'objet d'un permis de construire.
7. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel.
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le représentant de l'Etat, consulté en l'absence de document d'urbanisme applicable, s'est prononcé au vu du projet mentionné dans la déclaration de travaux.
9. En deuxième lieu, il résulte du a) de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme que les demandes de permis de construire et les déclarations préalables sont adressées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés, notamment, " par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ". Aux termes de l'article R. 431-35 du même code : " La déclaration préalable précise : a) L'identité du ou des déclarants ; (...) La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. ".
10. Il résulte de ces dispositions que les déclarations préalables doivent seulement comporter, comme les demandes de permis de construire en vertu de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une déclaration ou d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude.
11. ressort des pièces du dossier que M. F... a attesté remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable de travaux. Le moyen tiré de ce qu'il ne justifierait pas d'un titre pour déposer cette déclaration doit dès lors être écarté.
12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le dossier de déclaration préalable comprend les pièces prévues par l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme qui permettent d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages.
13. En quatrième lieu, l'article 10 du règlement du lotissement Héliopolis dispose : " hauteur des constructions... La hauteur absolue de toute construction ne peut excéder 7 mètres. ".
14. Il ressort des pièces du dossier que la hauteur à l'égout du toit du bâtiment objet de la déclaration de travaux contestée n'excède pas 7 mètres par rapport au terrain naturel. Par ailleurs, les requérants n'établissent pas que le pétitionnaire aurait trompé le service instructeur sur le niveau du terrain naturel avant travaux.
15. En cinquième lieu, l'article 11 du règlement du lotissement Héliopolis dispose : " En aucun cas, les constructions et installations ne doivent par leur situation, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, au site, au paysage naturel de l'ile du Levant. ".
16. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
17. Il ressort des pièces du dossier que les travaux objet de la déclaration doivent être réalisés au sein du lotissement Héliopolis qui ne présente pas d'unité architecturale particulière. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune d'Hyères a fait une inexacte application des dispositions de l'article 11 précité quant à l'impact de cette construction sur le bâti environnant et au-delà sur le site de l'Ile du Levant.
18. En sixième lieu, les circonstances alléguées que le maire de la commune d'Hyères n'aurait pas procédé à un examen circonstancié du recours administratif des demandeurs de première instance et que l'arrêté portant non opposition à déclaration de travaux n'aurait pas fait l'objet d'un affichage conformément aux dispositions du code de l'urbanisme sont sans influence sur la légalité de cet arrêté.
19. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, ni les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que la commune d'Hyères est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 26 août 2014 et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif de Toulon.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Hyères, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent les défendeurs sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune d'Hyères tendant à la mise à la charge des défendeurs d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 avril 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SAS Villa Eglantine, M. G... et Mme D... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Hyères, de la SAS Villa Eglantine, de M. A... G... et de Mme C... D... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Hyères, à la SAS Villa Eglantine, à M. A... G... et à Mme C... D....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade président,
- M. E..., président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
3
N° 18MA02844
nb