Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2019, Mme A... D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière, car non contradictoire dès lors que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne lui a pas été communiqué ;
- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant statué infra petita sans requalifier les moyens de l'intéressée qui n'était pas assistée d'un avocat ;
- l'arrêté attaqué méconnait l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien ;
-la mesure d'éloignement méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit d'observations en défense.
Un courrier du 28 janvier 2020 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Une ordonnance du magistrat rapporteur en date du 17 août 2020 a fixé la clôture de l'instruction à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté par Mme E... a été enregistré le 18 août 2020, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 612-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me C..., représentant Mme A... D....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 19 juin 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 28 février 2019 Mme A... D..., ressortissante algérienne, sur le fondement de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... D... interjette appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... D... ait eu communication de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur lequel le tribunal a fondé sa décision. Si le préfet mentionnait qu'une telle pièce était jointe à son mémoire en défense du 24 septembre 2019, communiqué le 26 septembre suivant, il ressort toutefois du dossier de première instance que cette pièce n'avait en réalité pas été jointe à ce mémoire et a été réclamée par le tribunal le 8 octobre 2019, et reçue le 14 octobre 2019. La requérante a d'ailleurs relevé dans son mémoire en réplique du 16 octobre 2019 qu'elle n'avait pas eu communication de cet avis de l'OFII. Le tribunal qui s'est fondé sur cette pièce dans son jugement, a donc méconnu les exigences du contradictoire. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de régularité du jugement, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... D....
Sur les conclusions en annulation du refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien sus-visé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / [...] 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration... ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de Mme A... D... nécessite un suivi chirurgical de proctologie. Toutefois, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans son avis du 25 avril 2019 que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont l'absence pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les deux certificats médicaux des 12 septembre 2019 et 3 décembre 2019 émis par le médecin de l'institut de proctologie, dans le 12ème arrondissement de Paris, qui se bornent à faire état des interventions chirurgicales subies et de celles à programmer et à mentionner qu' " elle n'a pu être soignée en Algérie malgré une hospitalisation de plusieurs semaines en décembre 2017 " ne sont pas suffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'avis de l'OFII selon lequel l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
6. En second lieu, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation personnelle de sa situation doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, alors en outre que l'intéressée était présente en France depuis une date récente à la date de la décision attaquée, et qu'elle ne démontre ni même n'allègue s'y être insérée.
Sur les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement vers l'Algérie :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Et selon l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile doivent être écartés, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.
8. En second lieu, la circonstance que Mme A... D... soit entrée régulièrement en France demeure sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement, qui se fonde sur le refus de titre de séjour. La requérante ne peut par suite utilement se prévaloir de l'erreur de fait de la décision attaquée qui mentionne qu'elle serait entrée en France sans visa.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2019.Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er: Le jugement n°1906348 du tribunal administratif de Marseille du 31 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de Mme A... D... et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... épouse A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.
N° 19MA05313 2
hw