Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19MA02743 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 14 juin 2019, Mme B... A... épouse D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 du préfet du Var ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est contraire aux dispositions des articles L. 313-11 4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est contraire à l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... épouse D..., née le 15 décembre 1965 à Dkhissa (Maroc), de nationalité marocaine, a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1900843 du 14 mai 2019, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; ". En application de l'article L. 313-12 du même code : " (...) En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". / (...) ".
3. En l'espèce, il est constant qu'à la date de la décision contestée, la vie commune entre Mme A... et son époux avait pris fin depuis le 21 janvier 2018 et qu'une procédure de divorce était en cours depuis le 17 décembre 2018. Il ressort en outre de l'attestation du chef du centre d'incendie et de secours de Gonfaron du 31 août 2018 que les sapeurs-pompiers ont transporté Mme A... à l'hôpital de Brignoles le 9 novembre 2017 pour des douleurs au ventre suite à des coups qu'elle aurait reçus de son mari. Elle a également déposé une main courante le 21 novembre 2017 pour signaler des faits de violences commises par son mari. Elle a en outre fait état, dans sa demande de titre de séjour, de ce qu'elle a quitté le domicile conjugal le 23 janvier 2018 suite à des violences conjugales en joignant, à l'appui de sa demande, le dépôt de plainte du même jour auprès des services de police et en précisant qu'elle était hébergée depuis au CHRS accueil féminin à Lagarde depuis le 26 janvier 2018. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle a déposé une nouvelle main courante le 30 août 2018 pour signaler des faits de menaces verbales. Dès lors, et en dépit du fait que la plainte pour violences a été classée sans suite, Mme A... doit être regardée comme ayant fait valoir, à l'appui de sa demande de titre de séjour, que la séparation d'avec son conjoint était imputable aux violences conjugales subies de la part de celui-ci. Le préfet du Var, qui s'est borné à prendre acte de la rupture de la communauté de vie, sans prendre en compte les éléments portés à sa connaissance évoquant des violences conjugales ayant pu causer cette rupture, a, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur de droit. L'arrêté du 8 février 2019 ne peut ainsi qu'être annulé en tant qu'il porte refus de titre de séjour. Par voie de conséquence, l'arrêté du 8 février 2019 est également illégal en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français.
4. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 8 février 2019. Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mai 2019 et l'arrêté préfectoral contesté doivent par suite être annulés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer la demande de Mme A... tendant à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'exécution d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 8 février 2019 par lequel le préfet du Var a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A... et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Var de réexaminer la demande de Mme A... tendant à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon.
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N° 19MA02743
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