Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2017, M. K... D..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler les décisions du 3 avril 2017 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 800 euros à verser à Me F..., qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les décisions contenues dans l'arrêté en litige sont insuffisamment motivées ;
- les décisions contenues dans l'arrêté en litige ont été signées par une autorité incompétente ;
- les décisions contenues dans l'arrêté en litige ont été prises en méconnaissance du principe général du droit à être entendu ;
- la décision lui refusant l'admission au séjour a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation ;
- la décision lui refusant l'admission au séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui refusant l'admission au séjour a méconnu les dispositions de la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012 ;
- la décision de refus de titre de séjour a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,
- et les observations de M. D....
1. Considérant que M. K... D..., ressortissant albanais né le 5 septembre 1992, relève appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 avril 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre une décision de refus d'admission au séjour, et notamment ceux tirés de la méconnaissance alléguée de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 et des stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés dès lors que l'arrêté du 3 avril 2017 ne s'est pas prononcé sur la situation de M. D... au regard de la législation relative au séjour sur le territoire français des ressortissants étrangers ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé, au nom du préfet des Bouches-du-Rhône, par M. G... C..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, titulaire d'une délégation de signature à l'effet de signer " les refus de séjour, obligations de quitter le territoire, décisions relatives au délai de départ volontaire (...) et décisions fixant le pays de destination (...) " accordée par les articles 1 C) et 3 B) de l'arrêté du 21 mars 2017 de M. I... H..., préfet des Bouches-du-Rhône, portant délégation de signature à M. E... J..., directeur des migrations, de l'intégration et de la nationalité, régulièrement publié le 24 mars 2017 au numéro n° 13-2017-059 du recueil des actes administratifs de l'État dans le département des Bouches-du-Rhône ; que le moyen tiré de ce que cet arrêté a été signé par une autorité incompétente doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition établi par les services de police le 2 avril 2017 avant que ne soit pris l'arrêté critiqué, que M. D... a été interrogé sur sa situation personnelle, sur sa nationalité, sur les conditions d'entrée et de son séjour en France, ses conditions d'hébergement, sa situation familiale et ses moyens d'existence ; qu'à cette occasion, il a pu notamment préciser qu'il exerçait une activité de réparation de téléphones portables et qu'il était bien intégré en France où ses enfants sont scolarisés et qu'il ne souhaitait pas repartir dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que M. D... fait valoir la durée de son séjour habituel en France, la présence de son épouse et de son père, titulaire d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, et la scolarisation de ses deux fils dont le dernier né à Marseille ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D... n'établit sa résidence habituelle en France qu'à compter du mois d'août 2013, soit une durée de séjour habituel de moins de quatre années à la date de la mesure d'éloignement contestée, que son épouse, dont la demande d'asile a également été rejetée, se trouve en situation irrégulière sur le territoire français et que seul son fils ainé, né en 2011, était scolarisé en maternelle à la date de l'arrêté en litige ; qu'il ne ressort pas des attestations et certificats médicaux peu circonstanciés qu'il produit que sa présence auprès de son père serait indispensable à celui-ci du fait de la pathologie cardiaque dont ce dernier est atteint ; qu'il est, enfin, constant que M. D... a fait l'objet de la mesure d'éloignement en litige suite à son interpellation sur voie publique et à la procédure pénale engagée à son encontre pour des faits de recel ; qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement litigieuse porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des effets et de l'objet de cette mesure ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être rejeté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de tout ce qui précède, que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en sixième lieu, que pour les motifs exposés aux points 3 à 9, la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. D... n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre soulevée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée ;
11. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les attaches personnelles et familiales en France de M. D... sont récentes et limitées à sa famille proche ; qu'il est constant que son père et son épouse sont également de nationalité albanaise ainsi que ses deux enfants mineurs ; que la cellule familiale du requérant pourrait, par suite, se reconstituer sans dommage en Albanie ; que, dans ces circonstances, la décision fixant le pays dont il a la nationalité comme destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ne porte pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que l'ensemble de ses conclusions, en ce y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...F....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- Mme B..., première conseillère,
- M. Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2018.
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N° 17MA03305