Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mai 2017 et le 9 juillet 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1504278 du 30 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 10 mars 2015 rejetant sa demande ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Victoret de procéder au classement de la parcelle section AH n° 353 en zone U et de supprimer l'emplacement réservé n° 47 l'affectant, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner la commune de Saint-Victoret à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le classement en zone 1NA de la parcelle AH n° 353 lui appartenant n'est plus justifié en raison de l'urbanisation de la zone dans laquelle elle se trouve et un classement en zone U s'imposait ;
- le maintien de l'emplacement réservé n° 47 au profit de la commune sur cette parcelle n'est plus justifié et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SCP Bérenger-Blanc-Burtez-Doucède et Associés, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel ;
2°) de condamner M. C... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. C..., et de Me A..., de la SCP Bérenger-Blanc-Burtez-Doucède et Associés, représentant la métropole Aix-Marseille Provence et la commune de Saint-Victoret.
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 10 mars 2015, reçu le 12 mars 2015, M. C... a demandé au maire de Saint-Victoret de procéder à l'abrogation du plan d'occupation des sols de la commune, en tant, d'une part, qu'il a illégalement classé en zone NA la parcelle cadastrée section AH n° 353 dont il est propriétaire et d'autre part, qu'il institue un emplacement réservé n° 47 pour la réalisation d'un équipement socio-éducatif sur cette même parcelle. L'autorité compétente, en conservant deux mois le silence sur cette demande, l'a implicitement rejetée. M. C... relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite et à l'annulation partielle de ce document d'urbanisme.
Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :
2. La métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la commune de Saint-Victoret, a fait valoir devant les premiers juges que la demande de M. C... était irrecevable dès lors qu'une première demande similaire avait été adressée le 16 janvier 2012, contre laquelle il lui appartenait de se pourvoir dans le délai du recours contentieux, et que le refus d'abroger certaines dispositions du document d'urbanisme de la commune en litige constituait, dès lors, une décision confirmative. Le refus d'abroger un acte réglementaire n'est toutefois pas purement confirmatif d'un refus antérieurement opposé à une demande tendant aux mêmes fins. La fin de non-recevoir opposée par la métropole Aix-Marseille-Provence doit, par suite, être écartée.
Sur l'emplacement réservé n° 47 du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Victoret :
3. Aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme relatif aux plans locaux d'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 applicable à la date de la demande d'abrogation présentée par M. C... : " (...) le règlement peut : (...) / 8° Fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts ; (...) ".
4. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Enfin, il n'appartient pas, toutefois, au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.
5. M. C... fait valoir que le projet d'équipement socio-éducatif correspondant à l'emplacement réservé n° 47 du plan d'occupation des sols de Saint-Victoret a été inscrit depuis près de trente années dans ce document d'urbanisme sans être mené à bien. Il ressort cependant des pièces du dossier que la commune et la métropole d'Aix-Marseille-Provence ont procédé au cours des années 2008 et 2009 à l'acquisition de la parcelle n° 454, également concernée par cet emplacement réservé. Si M. C... allègue que l'accès à ces terrains serait insuffisant pour l'édification d'un bâtiment public ouvert au public, cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'intention de la commune de réaliser ce projet de crèche. M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que ce projet de crèche aurait été abandonné et que le maintien de cet emplacement réservé reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation.
6. En second lieu, M. C... fait valoir que le refus de l'autorité compétente de faire droit à sa demande d'abrogation constitue un détournement de pouvoir dès lors que les dispositions du document d'urbanisme en vigueur ont pour véritable motif de rendre la commune propriétaire de cette unité foncière, à vil prix. Il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que la commune poursuit effectivement l'acquisition de cette unité foncière afin de réaliser un équipement d'intérêt général. La seule circonstance que l'appelant estime insuffisante l'évaluation de la valeur de sa propriété par le service des domaines n'est, par suite, pas de nature à révéler un détournement de pouvoir.
Sur le classement de la parcelle section AH n° 353 :
7. Aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable jusqu'au 28 mars 2001 : " I. Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. / Ces zones, (...) sont : / 1. Les zones urbaines, dites " Zones U ", dans lesquelles les capacités des équipements publics existants ou en cours de réalisation permettent d'admettre immédiatement des constructions (...) / 2. Les zones naturelles, équipées ou non, dans lesquelles les règles et coefficients mentionnés ci-dessus peuvent exprimer l'interdiction de construire. / Ces zones naturelles comprennent en tant que de besoin : / a) Les zones d'urbanisation future, dites " Zones NA ", qui peuvent être urbanisées à l'occasion soit d'une modification du plan d'occupation des sols soit de la création d'une zone d'aménagement concerté ou de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction compatibles avec un aménagement cohérent de la zone tel qu'il est défini par le règlement ; / b) Les zones, dites " Zones NB ", desservies partiellement par des équipements qu'il n'est pas prévu de renforcer et dans lesquelles des constructions ont déjà été édifiées ; (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-290 du 29 février 2012 applicable à la date de la demande d'abrogation présentée par M. C... : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ". Et aux termes de l'article R. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-290 du 29 février 2012 : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme. ".
8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
9. Le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Victoret a défini, au sein des zones naturelles de la commune, la zone NA comme une zone d'urbanisation future, dont la zone 1NA constitue un sous-secteur. Ce règlement autorise, à son article NA 2, les " opérations d'ensemble réalisées sous forme de ZAC ou de lotissement destinées à accueillir les constructions à usage d'activités, / - les équipements publics ou collectifs qui sont indispensables aux populations existantes à condition d'être raccordés aux réseaux publics, et à condition de faire l'objet de mesures acoustiques en zones de bruit. / - l'extension mesurée des constructions à usage d'habitation existantes à condition que la surface hors oeuvre nette (SHON) totale soit inférieure à 150 m². / les ouvrages techniques à condition qu'ils soient d'intérêt public. / - les aires de stationnement ouvertes au public. / - les bâtiments agricoles (...) ".
10. S'il ressort des pièces du dossier que la parcelle section AH n° 353 n'était pas construite à la date de la demande d'abrogation formée par M. C... et qu'elle présentait encore un caractère naturel, il est constant que la plupart des terrains adjacents ont été construits, certains récemment et dans le cadre d'opérations de lotissement, et disposent d'accès aux réseaux collectifs, et que sont désormais délimitées, au nord et à l'est de la parcelle, des zones urbaines densément construites. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des pièces jointes à une demande de certificat d'urbanisme postérieure à la demande d'abrogation en litige, mais qui révèlent l'état d'achèvement de l'urbanisation du secteur à la date de celle-ci, que le raccordement aux réseaux publics d'électricité, d'eau potable et d'assainissement collectif ne nécessite aucune extension des réseaux présents à proximité immédiate de ce terrain. Il ressort encore des pièces du dossier que la parcelle AH n° 353 n'est séparée de la voie publique la plus proche que par la parcelle AH n° 354 et qu'une servitude de passage sur ce terrain ou sur l'une des propriétés immédiatement voisines permettrait de désenclaver ce terrain. Il s'ensuit que M. C... est fondé à soutenir que le maintien pour l'avenir du classement de cette parcelle en zone NA révélait, à la date à laquelle il a été statué sur sa dernière demande, une erreur manifeste d'appréciation des auteurs du document d'urbanisme de la commune de Saint-Victoret.
11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen soulevé devant le tribunal administratif de Marseille et la Cour ne paraît, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la décision en litige est entachée d'illégalité en tant qu'elle a refusé de faire droit à la demande d'abrogation des dispositions du plan d'occupation des sols de la commune classant la parcelle cadastrée section AH n° 353 en zone 1NA et que M. C... est fondé à en demander l'annulation dans cette mesure.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus d'abroger le classement en zone 1NA de la parcelle cadastrée section AH n° 353.
Sur les frais de justice :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
15. En vertu de ces dispositions, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la métropole Aix-Marseille-Provence doivent, dès lors, être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La décision implicite par laquelle le président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a refusé de faire droit à la demande du 10 mars 2015 de M. C... est annulée en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande d'abrogation des dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Victoret classant la parcelle cadastrée section AH n° 353 en zone 1NA.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1504278 du 30 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... est rejeté.
Article 4 : La métropole Aix-Marseille-Provence versera une somme de 1 500 euros à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence et de la commune de Saint-Victoret tendant à la condamnation de M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à la métropole Aix-Marseille Provence.
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Victoret.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- M Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
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N° 17MA02143