Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2017, la commune de Rognonas, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la SAS La Roseraie la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement, qui ne vise pas la note en délibéré qu'elle a produite le 16 janvier 2017, est irrégulier, en application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le maire était tenu de retirer l'autorisation en litige, dès lors qu'il était saisi d'une demande en ce sens par des tiers et que le permis était illégal ; tous les moyens sont par suite inopérants ;
- la décision de retrait se fonde non seulement sur l'existence d'une fraude, mais aussi sur l'illégalité de l'autorisation tacite obtenue ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2017, la SAS La Roseraie conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Rognonas la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gougot,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me B... substituant Me A..., représentant la commune de Rognonas.
Une note en délibéré présentée par la commune de Rognonas a été enregistrée le 15 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Rognonas a, par arrêté du 23 avril 2015, retiré le permis de construire tacite qu'avait obtenu la SAS " La Roseraie " le 4 novembre 2012 pour la construction de deux maisons à usage d'habitation sur un terrain situé 2 rue Joseph Roumanille, sur le territoire communal. La commune de Rognonas interjette appel du jugement du 26 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille, à la demande de la SAS " La Roseraie ", a annulé cette décision de retrait du 23 avril 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose : " La décision mentionne que l'audience a été publique [...] / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ". Contrairement à ce que soutient la commune de Rognonas le jugement vise sa note en délibéré du 16 janvier 2017. Si le tribunal mentionne, par une erreur matérielle, que cette note en délibéré émane de la SAS La Roseraie, cette circonstance est demeurée sans incidence dans les circonstances de l'espèce alors que le nom de l'avocat cité est bien celui de la commune et qu'en visant cette note en délibéré du 16 janvier 2017, les premiers juges attestent en avoir pris connaissance avant la séance au cours de laquelle a été rendue la décision et avoir estimé qu'elle ne contenait ni circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office nécessitant de rouvrir l'instruction pour la soumettre au contradictoire. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
4. L'arrêté de retrait du 23 avril 2015 en litige se fonde, d'une part, sur le fait que la demande de permis de construire serait entachée de fraude en tant qu'elle ne mentionne pas que sur le lot d'assiette du projet se trouve un bassin de rétention qui sera supprimé et que ce lot ne disposait d'aucun droit à construire et, d'autre part, sur le fait que l'autorisation retirée aggravait le risque inondation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le lotissement étant situé en zone inondable d'aléa modéré en cas de crue ou de rupture de digue. Contrairement à ce que soutient le maire de Rognonas, sa décision qui se bornait à viser l'arrêté de lotissement du 20 mars 1996 ne se fonde pas sur une méconnaissance de cet acte, qui n'est pas évoqué dans les motifs de la décision, si ce n'est de manière incidente en citant le courrier des co-lotis du 13 avril 2015 tendant au retrait du permis tacite du 4 novembre 2012.
5. Le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté de retrait du 23 avril 2015 en se fondant sur le fait, en premier lieu, que le délai de retrait de trois mois était expiré et que la fraude n'était pas caractérisée, en deuxième lieu, que la procédure contradictoire qui avait été menée était insuffisante en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, et en troisième et dernier lieu, que le motif tiré de l'existence d'un risque d'inondation se heurtait à l'autorité absolue de la chose jugée du jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 février 2015, devenu définitif, lequel a annulé l'arrêté du 17 décembre 2012 de retrait du permis tacite obtenu le 4 novembre 2012, en se fondant sur un risque d'inondation.
6. L'autorité administrative, saisie d'un recours gracieux tendant au retrait d'un acte administratif créateur de droits est tenue de le retirer dès lors, d'une part, que le délai de recours contentieux à l'encontre de cet acte n'est pas expiré et, d'autre part, que celui-ci est entaché d'illégalité.
7. En premier lieu, si lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation, une telle annulation n'a, en revanche, pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de quatre mois pour retirer la décision initiale, alors même que celle-ci comporterait des irrégularités pouvant en justifier légalement le retrait. Par suite, le rétablissement de l'autorisation tacite du 4 novembre 2012 à compter de la date de lecture du jugement d'annulation du 24 février 2015 n'a pas eu pour effet d'ouvrir au maire de la commune de Rognonas un nouveau délai de quatre mois pour retirer cette décision.
8. Toutefois un acte administratif obtenu par fraude ne créant pas de droits, l'autorité compétente pour le prendre peut en conséquence le retirer alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. La fraude suppose, pour pouvoir être caractérisée, que le pétitionnaire ait procédé à des manoeuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet. En l'espèce, l'omission relevée par la décision de retrait en litige, de renseignements relatifs à ce que le lot d'assiette du projet de construction avait été créé pour la réalisation du bassin d'orage dont la suppression n'avait pas été adoptée par la majorité qualifiée des co-lotis, n'est pas au nombre des éléments qu'il appartenait au pétitionnaire de produire dans le cadre de sa demande de permis de construire. Cette omission ne saurait par suite caractériser l'existence d'une fraude. Et si le pétitionnaire n'a pas fourni le certificat indiquant la surface de plancher constructible sur le lot prévu par le premier alinéa de l'article R. 442-11 du code de l'urbanisme, son dossier comporte néanmoins l'indication que le terrain d'assiette du projet se situe dans un lotissement et il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté du 17 décembre 2012 refusant le permis de construire, que le maire avait alors instruit la demande dont il était saisi au regard du dossier de permis de lotir initial, autorisé par un arrêté du 20 mars 2006 et avait donc connaissance du cadre juridique applicable au projet. Par suite la seule omission du certificat indiquant la surface de plancher constructible sur le lot ne permet pas de regarder le pétitionnaire comme s'étant ainsi livré à des manoeuvres de nature à induire l'administration en erreur. C'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que le maire ne pouvait procéder au retrait du permis tacite obtenu le 4 novembre 2012 et devenu définitif, en l'absence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis.
9. En deuxième lieu, le motif d'annulation du jugement tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire énoncée à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas contesté par la commune de Rognonas.
10. En troisième et dernier lieu, l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2012 a été prononcée au motif, qui en constitue le support nécessaire et se trouve, par suite, revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, que " la commune n'apporte pas la preuve de la réalité du risque qu'elle invoque, lequel revêt un caractère purement hypothétique ". L'existence d'une circonstance de fait nouvelle n'étant ni établie, ni même alléguée, c'est par suite à bon droit que le tribunal a estimé que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement ayant statué sur la première décision de retrait faisait obstacle à ce que le maire retire le permis tacite pour ce même motif tiré des considérations de sécurité publique.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rognonas n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de retrait du 23 avril 2015.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Rognonas dirigées contre la SAS La Roseraie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Rognonas la somme de 2 000 euros à verser à la SAS La Roseraie en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Rognonas est rejetée.
Article 2 : La commune de Rognonas versera à la SAS La Roseraie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rognonas et à la SAS " La Roseraie ".
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 octobre 2018.
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N° 17MA01306
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