Procédure devant la Cour :
Par I°) une requête enregistrée le 27 juin 2018, sous le n° 18MA03034 M. C... représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 février 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient que :
- la décision attaquée emporte des conséquences difficilement réparables sur sa situation personnelle ;
- il invoque des moyens sérieux d'annulation tirés de l'existence d'une erreur de fait et d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne des sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6 de l'accord franco-algérien, d'une erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par II°) une requête enregistrée le 27 juin 2018, sous le n° 18MA03035 M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 3 alinéa 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 juillet 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 19 janvier 2017 M. C..., ressortissant algérien, sur le fondement de sa vie privée et familiale et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par une requête enregistrée sous le n° 18MA03035 M. C... interjette appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n° 18MA03034, il demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement.
Sur la jonction :
2. Les affaires enregistrées sous les numéros 18MA03034 et 18MA03035 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... ". Le requérant justifie être titulaire depuis le 17 janvier 2013 d'un contrat d'électricité avec sa compagne, Mme D..., titulaire d'une carte de séjour pluri-annuelle valable jusqu'en 2020, et de plusieurs courriers de la société d'électricité de France adressés à leurs deux noms. Il justifie aussi que le couple perçoit des allocations depuis le 28 août 2013. Ils se sont mariés le 16 mars 2015. Et ils ont eu ensemble deux enfants nés le 31 juillet 2013 et le 24 avril 2017. Ce faisant, le requérant justifie être présent en France depuis au moins le début de l'année 2013 et entretenir une relation stable et sérieuse avec son épouse depuis plus de quatre ans à la date de la décision contestée.
4. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté querellé.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative: " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 911-3: " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
7. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
8. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1709112 du 8 février 2018, les conclusions de la requête n° 18MA03034 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA03034.
Article 2: Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 février 2018 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 juillet 2017 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Marseille.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 octobre 2018.
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N° 18MA03034, 18MA03035
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