Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2020, l'ASA des arrosages et assainissements de Pertuis, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 26 août 2020 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de première instance de la commune de Pertuis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pertuis la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'en premier lieu, en demandant à l'expert, d'une part, d'établir le périmètre précis des différents canaux et cours d'eau sur lesquels elle a une obligation d'entretien et, d'autre part, de détailler avec précision ses missions et obligations, l'expertise ordonnée porte sur des questions de droit relevant de l'office du juge ; qu'en deuxième lieu, l'ordonnance attaquée donne pour mission à l'expert de rassembler des informations dont la commune requérante pouvait aisément obtenir communication par d'autres moyens ; que, de manière plus générale, n'entre pas dans le champ d'application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure tendant à faire réaliser un audit général du fonctionnement et de l'action d'un établissement public administratif ; qu'enfin, la mesure d'expertise ordonnée est inutile car elle n'a nullement attendu l'action de la commune pour entreprendre un tel diagnostic ; que, par ailleurs, la commune n'a jamais apporté le moindre commencement de preuve d'un quelconque préjudice personnel qu'elle aurait subi et qu'elle ne saurait se substituer à ses administrés dans l'action que ceux-ci pourraient entreprendre ; qu'elle serait dépourvue de tout intérêt pour agir en justice en réparation de tels préjudices ; que les évènements concernés, hormis les inondations de décembre 2019 qui constituaient une catastrophe naturelle alors qu'elle n'a pas pour objet la lutte contre les inondations, ne sont pas précisés ; qu'il en va de même de la localisation et de la nature des désordres à examiner ; que les parcelles concernées ne le sont pas non plus.
Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2020, la commune de Pertuis, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'ASA, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et, en particulier, qu'elle justifie d'un intérêt pour agir puisqu'elle est membre de l'ASA et d'un préjudice personnel puisqu'elle a dû faire réaliser à ses frais des travaux qui relevaient, en principe, de l'ASA.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Par l'ordonnance attaquée du 26 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a, la demande de la commune de Pertuis, ordonné une expertise, confiée à M. A... C..., aux fins principalement de déterminer l'état d'entretien des canaux et cours d'eau relevant du périmètre de l'association syndicale autorisée (ASA) des arrosages et assainissements de Pertuis et de rechercher si une insuffisance de leur entretien a pu aggraver les inondations qui se sont produites ces dernières années sur le territoire de la commune et notamment celle de décembre 2019.
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui sont irrecevables (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).
4. En premier lieu, si une commune doit pour intenter une action en responsabilité à l'encontre d'une personne morale de droit public telle qu'une association syndicale autorisée, justifier d'un préjudice personnel qui ne saurait se confondre avec le préjudice subi par ses habitants, la commune de Pertuis soutient sans être contestée qu'elle est elle-même membre de l'ASA des arrosages et assainissements de Pertuis, en sa qualité de propriétaire de terrains relevant de son périmètre d'intervention, et qu'elle a dû engager des travaux pour pallier les défaillances de l'ASA. Par suite, l'action de la commune à laquelle la mesure d'expertise ordonnée est susceptible de se rattacher ne peut être regardée, dans le cadre de l'office qui est celui du juge des référés, comme irrecevable. Toutefois, l'ASA est fondée à soutenir que, dans le cadre d'une telle action, la mission d'expertise ne saurait porter sur l'évaluation des désordres subis par des propriétaires distincts de la commune.
5. En deuxième lieu, la mission d'expertise ainsi ordonnée dont l'objet principal est rappelé au point 2 ne constitue pas, contrairement à ce que soutient l'association requérante, un audit général de son fonctionnement ou de ses activités. La circonstance que le syndicat mixte du canal du Lubéron dont elle est membre a conclu, le 15 juillet 2020, un marché pour élaborer un schéma directeur d'irrigation afin, selon les termes du cahier des clauses techniques particulières, de " disposer d'un outil qui permette d'orienter les investissements sur le moyen et long terme (environ 15 ans) en répondant de manière pertinente aux besoins d'évolution de service sur les périmètres concernés ", ne saurait priver d'utilité la mesure d'expertise ainsi définie.
6. En troisième lieu, dès lors que la mission rappelée au point 2 présente un caractère d'utilité, l'association requérante ne saurait faire grief à l'ordonnance attaquée de demander à l'expert de rassembler, à cet effet, des informations dont la commune pouvait aisément obtenir communication par d'autres moyens.
7. En quatrième lieu, s'il appartient logiquement à l'expert, avant de procéder à ses investigations, d'établir le périmètre d'intervention de l'ASA et la nature de ces missions, il doit le faire à partir du contenu des documents administratifs et techniques qu'il lui est demandé de réunir, sans trancher un éventuel différend entre les parties, ni porter une qualification juridique sur les obligations de l'ASA ou sa responsabilité.
8. Enfin, l'association requérante est fondée à soutenir qu'en demandant à l'expert, au point 7 de la mission de rechercher dans quelle mesure une insuffisance d'entretien des cours d'eau et canaux relevant de son périmètre d'intervention avait pu aggraver les inondations qui se sont produites " ces dernières années " sur le territoire de la commune, le juge des référés a insuffisamment délimité le champ des investigations de l'expert. Il y a lieu de les limiter, comme indiqué au point 4 de la mission, aux " cinq dernières années ".
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'ASA des arrosages et assainissements de Pertuis n'est fondée qu'à demander la réformation de la mission confiée à l'expert, aux termes de l'ordonnance attaquée, dans les termes définis ci-dessous.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge tant de la commune de Pertuis que de l'ASA des arrosages et assainissements de Pertuis la somme demandée par l'une et l'autre, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La mission de l'expert définie à l'article 1er de l'ordonnance du 26 août 2020 du juge des référés du tribunal de Nîmes est ainsi rédigée :
" 1) Se rendre sur les lieux ;
2) Se faire communiquer tous documents administratifs ou techniques utiles à la solution du litige ;
3) Préciser le périmètre relevant des attributions de l'ASA des arrosages et assainissements de Pertuis ;
4) Détailler les missions de l'ASA en matière d'entretien, de réparation, d'amélioration ou d'extension des canaux et cours d'eau, dans le périmètre visé au point 3) ;
5) Décrire les travaux réalisés, au cours des cinq dernières années, sur les canaux et cours d'eau dans le périmètre visé au point 3), d'une part, par l'ASA et, d'autre part, par la commune ; le cas échéant, chiffrer le coût des travaux réalisés par la commune ;
6) Déterminer l'état d'entretien de ces canaux et cours d'eau ;
7) Rechercher si une insuffisance d'entretien de ces canaux et cours d'eau a pu être à l'origine des inondations subies sur le territoire de la commune de Pertuis ou aggraver leurs conséquences, au cours des cinq dernières années et notamment en décembre 2019 ;
8) Déterminer, le cas échéant, les mesures propres à y remédier et en préciser le coût ;
9) Evaluer, le cas échéant, le préjudice subi par la commune de Pertuis, notamment s'agissant des parcelles dont elle est propriétaire. "
Article 2 : L'ordonnance n° 2000293 du 26 août 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ASA des arrosages et assainissements de Pertuis est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Pertuis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association syndicale autorisée (ASA) des arrosages et assainissements de Pertuis, à la commune de Pertuis et à M. A... C..., expert.
Fait à Marseille, le 22 octobre 2020
N° 20MA034362
LH