2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Cavaillon et de la Sarl Terre de Pommes, le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête en référé présentée devant le juge d'appel est recevable dès lors que les dispositions de l'article L. 600-3 ne s'appliquent pas en l'espèce ;
En ce qui concerne l'urgence :
- l'urgence est présumée en matière d'urbanisme ;
- le pétitionnaire a commencé à exécuter le permis litigieux.
En ce qui concerne la légalité de la décision :
- le dossier n'était pas complet dès lors que les cotes du plan de masse et des plans de coupe n'étaient pas rattachés au système altimétrique du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) et n'apparaissaient pas dans le dossier ;
- les travaux litigieux qui présentent le caractère d'une surélévation au sens du PPRI, méconnaissent les dispositions de ce document prévoyant, dans cette hypothèse, que l'emprise sous la cote de référence, ne comporte qu'un vide sanitaire, un garage, ou ne soit pas close de murs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, la commune de Cavaillon, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1650 euros soit mise à la charge de Mme G..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Cavaillon soutient que :
- Mme G... n'a pas intérêt pour agir ;
- aucun des moyens invoqués n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, la Sarl Terre de Pommes conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1200 euros soit mise à la charge de Mme G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Sarl Terre de Pommes soutient que :
- en l'absence de recours au fond et de requête tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes, la requête en référé est irrecevable ;
- Mme G... ne justifie pas son intérêt pour agir ;
- le jugement de première instance ayant l'autorité de la chose jugée, l'urgence à suspendre l'exécution de la décision attaquée n'est pas caractérisée ;
- il n'existe aucun doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué.
Vu
- la requête au fond n°20MA02589 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. B..., président de la 9ème chambre, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er octobre 2020 :
- le rapport de M. B..., juge des référés ;
- les observations de Me A..., représentant Mme G..., qui persiste dans ses conclusions et moyens et fait en outre valoir les éléments suivants : sa propriété est mitoyenne du projet de la Sarl Terre de Pommes, lequel comporte notamment la création de plusieurs places de stationnement et d'un espace fermé supplémentaire qui aura nécessairement un impact sur le caractère des lieux ; elle a une vue directe sur le projet.
- les observations de Me E..., substituant Me F..., représentant la commune de Cavaillon qui persiste dans ses conclusions et moyens et fait en outre valoir les éléments suivants : la parcelle de Mme G... se trouve à plusieurs dizaines de mètres du projet de la Sarl Terre de Pommes ; l'impact de ce projet sur les conditions de jouissance de son bien seront très faibles ; un parc arboré est maintenu ; l'absence de référence aux cotes du PPRI sur les plans n'a pu avoir aucune incidence sur l'appréciation du service instructeur dès lors que l'ensemble du quartier est situé sous la cote de référence ; les travaux du rez-de-chaussée ne comportent aucun aménagement substantiel et ne correspondront pas à un lieu de vie ; le moyen soulevé par Mme G... méconnait l'esprit de la prescription du PPRI, qui n'est pas de limiter aux seuls garages au sens strict, les aménagements d'un rez-de-chaussée en cas d'extension de la construction.
- les observations de Me D..., représentant la Sarl Terre de Pommes et de M. C..., gérant de cette société, qui persiste dans ses conclusions et moyens et fait en outre valoir les éléments suivants : l'appel n'étant pas suspensif et aucune requête à fins de sursis à exécution n'ayant été introduit, le juge des référés ne pourra que constater l'irrecevabilité de la requête en référé ou constater qu'il n'y pas lieu de statuer en raison de son incompétence, dès lors qu'il ne peut remettre en cause le jugement de première instance ; la requérante ne justifie concrètement d'aucun trouble de nature à lui donner intérêt à agir alors que le projet ne comporte que des aménagements intérieurs ; il n'y aucune urgence puisque les mêmes moyens invoqués en première instance ont été écartés par le juge de première instance.
La Sarl Terre de Pommes a produit des pièces en délibéré, enregistrées le 20 octobre 2020.
Une note en délibéré, présentée pour Mme G..., a été enregistré le 20 octobre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 mars 2018, le maire de Cavaillon a délivré un permis de construire à la SARL Terre de Pommes pour l'extension et le réaménagement d'un ensemble immobilier sis 104 avenue Paul Doumer. Par un jugement 1802830 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme G... tendant à son annulation. Elle a relevé appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Marseille, par une requête enregistrée sous le numéro 20MA02589. Dans la présente instance, elle demande au juge des référés de la cour de suspendre l'exécution de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
Sur la recevabilité de la requête :
3. En premier lieu, une demande de suspension fondée sur l'article L.521-1 du code de justice administrative doit, à raison de son lien avec une demande d'annulation, être portée devant la juridiction saisie au fond de ces conclusions d'annulation. Dès lors, dans le cas où une cour administrative d'appel est saisie, dans le cadre d'un appel contre un jugement de tribunal administratif, de telles conclusions d'annulation, une demande de suspension peut être présentée ou renouvelée devant elle. Il en va ainsi, alors même que le jugement de première instance est exécutoire nonobstant appel et alors même qu'aucune requête à fins de sursis à exécution n'a été introduite. En l'espèce, Mme G... a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 juin 2020, rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du maire de Cavaillon du 15 mars 2018, par une requête enregistrée sous le numéro 20MA02589. La Sarl Terre de Pommes n'est donc pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable au motif de l'incompétence du juge des référés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
6. La SARL Terre de Pommes fait valoir que son projet porte uniquement sur un réaménagement très limité de son bâtiment au rez-de-chaussée et un changement d'affectation des surfaces au 1er étage, l'un et l'autre sans création de surface de plancher et sur la couverture de la terrasse existante au deuxième étage. Ainsi, elle soutient qu'il n'aura pas d'impact sur les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien par la requérante, dont la propriété est, en outre, située à plusieurs dizaines de mètres. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la propriété de Mme G... est sise sur une parcelle mitoyenne de celle qui supporte le projet de la Sarl Terre de Pommes. Le projet de cette société est directement visible depuis son logement. Il comporte notamment la création de six places de stationnement dans le parc, aujourd'hui essentiellement arboré, sur lesquelles la requérante aura une vue directe. Ainsi, le projet de la Sarl Terre de Pommes est de nature à modifier sensiblement l'environnement du logement de Mme G.... Dans ces conditions, il apparaît, en l'état de l'instruction, que Mme G... a intérêt pour agir contre le permis de construire en litige.
Sur la demande de suspension :
En ce qui concerne l'urgence :
7. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. En vertu de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite en cas de recours à fins de suspension dirigé notamment contre un permis de construire. Eu égard au caractère difficilement réversible d'une construction autorisée par un permis de construire, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés.
8. Il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis litigieux ont commencé. La circonstance que la requête au fond de Mme G... ait été rejetée par le tribunal administratif de Nîmes et que l'appel formé devant la cour administrative d'appel de Marseille ne soit pas suspensif, n'est pas, par elle-même, de nature à priver d'urgence la demande de suspension formée par Mme G... devant le juge des référés de la Cour. Il suit de là que l'urgence à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Cavaillon délivrant un permis de construire à la Sarl Terre de Pommes est établie, à défaut d'éléments contraires.
En ce qui concerne la condition de doute sérieux quant à la légalité du permis de construire :
9. Le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Durance, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée qui est accessible aux parties sur le site internet de la préfecture de Vaucluse, prévoit à l'article 1 du chapitre 2 du titre IV, qui énumère les constructions autorisées dans les zones bleue et bleu foncé, que l'extension de l'emprise au sol et la surélévation des constructions existantes sont autorisées mais que " L'emprise au-dessous de la cote de référence ne comportera qu'un garage individuel ou collectif (clos ou non), un vide sanitaire, ou ne sera pas close de murs ; elle pourra également accueillir une activité de proximité dans les conditions précisées à l'alinéa précédent. ". En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le projet la Sarl Terre de Pommes méconnaît ces prescriptions est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions prévues à l'article L. 521-1 du code de justice administrative étant réunies, il y a lieu de suspendre l'exécution de l'arrêté du maire de Cavaillon du 15 mars 2018.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre la somme de 1 500 euros à la charge solidaire de la commune de Cavaillon et de la Sarl Terre de Pommes au titre des frais exposés par Mme G... non compris en dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme de soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance de référé, au titre des frais exposés par eux, non compris dans les dépens.
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O R D O N N E :
Article 1er : L'exécution de l'arrêté du maire de Cavaillon du 15 mars 2018 est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.
Article 2 : La commune de Cavaillon et la Sarl Terre de Pommes verseront solidairement la somme de 1 500 euros à Mme G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Cavaillon et de la Sarl Terre de Pommes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme G..., à la commune de Cavaillon et à la Sarl Terre de Pommes.
Copie en sera transmise au procureur de la république, près le tribunal judiciaire d'Avignon.
Fait à Marseille, le 20 octobre 2020.
N°20MA03725 6