1°) de réformer le jugement du 19 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 57 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'AP-HM en réparation du préjudice qu'il a subi ;
2°) de porter à la somme de 361 433,21 euros le montant de l'indemnité due ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de l'AP-HM est engagée en raison de l'infection nosocomiale contractée ;
- la preuve d'une cause étrangère n'est pas établie par l'AP-HM ;
- le besoin en tierce personne doit être fixé à deux heures par jour du 4 mars au 10 juin 2014 pendant la période de déficit fonctionnel temporaire au taux de 25% ;
- ce besoin est permanent depuis la date de consolidation de l'état de santé ;
- le coût de l'heure de la tierce personne doit être fixé à 23 euros ;
- les frais d'assistance par une tierce personne, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ont été insuffisamment évalués ;
- l'incidence professionnelle doit être indemnisée.
Par des mémoires, enregistrés le 21 mars 2019 et le 29 août 2019, la CPCAM des Bouches-du-Rhône, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès, Noy, Gauer et Associés, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant que ce jugement a condamné l'AP-HM à lui verser la somme de 32 779,24 euros au titre des débours et de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande est recevable dès lors qu'elle a la possibilité de solliciter l'actualisation de sa créance ;
- l'AP-HM a été condamnée à lui payer les sommes correspondant à ses dépenses de santé.
Par un mémoire, enregistré le 17 avril 2019, l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant que ce jugement l'a mis hors de cause et de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucune conclusion n'est formulée à son encontre et que les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale ne sont pas remplies.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 juin 2019 et le 5 septembre 2019, l'AP-HM, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPCAM des Bouches-du-Rhône.
Elle soutient que :
- les conclusions d'appel et celles de la CPCAM des Bouches-du-Rhône sont irrecevables en tant qu'elles portent sur des sommes supérieures à celles demandées en première instance ;
- le rapport d'expertise ne retient pas de besoin en tierce personne du 4 mars au 10 juin 2014 ;
- le coût de l'heure de l'assistance non spécialisée par une tierce personne a été justement fixé à 13 euros ;
- les frais d'assistance par une tierce personne, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ont été suffisamment évalués ;
- l'incidence professionnelle et le besoin d'assistance par une tierce personne de façon permanente ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la CPCAM des Bouches-du-Rhône, et de Me F..., représentant l'AP-HM.
Considérant ce qui suit :
1. Par le jugement attaqué du 19 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a retenu que l'infection du genou gauche de M. C... par un germe hospitalier multi-résistant constituait une infection nosocomiale engageant la responsabilité sans faute de l'AP-HM sur le fondement du deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, et a en conséquence condamné le centre hospitalier à verser la somme de 57 000 euros à M. C... et celle de 32 779,24 euros à la CPCAM des Bouches-du-Rhône.
Sur les fins de non-recevoir opposées par l'AP-HM :
2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.
3. Ainsi, et d'une part, contrairement à ce que soutient l'AP-HM, M. C... est recevable à faire état devant la cour d'une augmentation du préjudice relatif aux arrérages d'aide par une tierce personne qui s'est aggravé compte tenu de l'écoulement du temps depuis l'intervention du jugement attaqué. Il suit de là que ces conclusions ne sont pas irrecevables.
4. D'autre part, la CPCAM des Bouches-du-Rhône demande la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'AP-HM à lui verser la somme de 32 779,24 euros. Il suit de là que l'AP-HM n'est pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires de la caisse sont irrecevables dès lors qu'elles excèdent la somme demandée en première instance.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 20 mars 2017, que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la responsabilité sans faute de l'AP-HM était engagée en raison de l'infection nosocomiale contractée par M. C... à l'hôpital Sainte Marguerite. C'est, par ailleurs, à bon droit que les premiers juges ont prononcé la mise hors de cause de l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Enfin, les frais exposés par la CPCAM des Bouches-du-Rhône pour le compte de son assuré ont été justement évalués à la somme de 32 779,24 euros par le tribunal.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
6. La somme de 1 800 euros allouée par les premiers juges à M. C... en remboursement des frais d'assistance aux opérations d'expertise n'est contestée par aucune des parties.
7. M. C... ne critique pas le rejet par le tribunal de sa demande au titre des frais d'aménagement d'un véhicule.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 20 mars 2017, que M. C... avait besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de 4 heures par semaine du 15 juin au 8 décembre 2013 et de 2 heures par jour tous les jours du 17 décembre 2013 au 3 mars 2014. Compte tenu du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales, le taux horaire de l'assistance par une tierce personne a été justement fixé à 13 euros par les premiers juges correspondant à une aide non spécialisée, apportée en l'espèce par les parents de la victime. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer, ainsi que l'a fait le tribunal, l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours, soit 28 semaines pour la première période et 89 jours pour la seconde. Ainsi, le tribunal administratif de Marseille a fait une évaluation insuffisante de ce préjudice en fixant son montant à 3 300 euros pour les périodes considérées. Il y a lieu de le porter à 4 600 euros.
9. Le requérant n'établit pas davantage en appel qu'en première instance la nécessité de l'aide d'une tierce personne en lien avec l'infection contractée au sein de l'AP-HM depuis le 4 mars 2014, laquelle, au surplus, n'a pas été retenue par le collège d'experts. Sa demande indemnitaire faite à ce titre ne peut ainsi qu'être rejetée.
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les séquelles de l'infection nosocomiale contractée dans un établissement de soins dépendant de l'AP-HM alors qu'il avait seize ans rendent plus pénible l'exercice d'une activité professionnelle par le requérant, dont le déficit fonctionnel permanent a été fixé au taux de 18 %, et l'ont privé d'une perte de chance d'exercer la profession qu'il envisageait. Par suite, quand bien même ce poste de préjudice n'a pas été retenu par les experts, il y a lieu de fixer à 10 000 euros le montant de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
11. Il résulte de l'instruction que M. C... a présenté un déficit fonctionnel temporaire total les 28 et 29 octobre 2013, du 9 au 15 novembre 2013 et du 9 au 16 décembre 2013, soit pendant 17 jours. Il n'y a pas lieu de prendre en compte la durée d'hospitalisation de 5 jours correspondant à 1'absence de complication pour une intervention de transposition de la tubérosité tibiale antérieure simple dès lors que les experts ont considéré que la période du 9 au 14 juin 2013 était sans lien avec l'infection. Il y a lieu d'évaluer le préjudice subi en le fixant à la somme de 300 euros.
12. Le requérant a présenté en outre un déficit fonctionnel temporaire partiel aux taux de 75 % du 17 décembre 2013 au 3 mars 2014, de 40 % du 15 juin au 8 décembre 2013 et de 25 % du 4 mars au 10 juin 2014. Il résulte de l'expertise qu'en l'absence de complications, l'intervention subie par M. C... le 10 juin 2013 aurait nécessairement entraîné un déficit fonctionnel temporaire partiel aux taux de 30 % pendant deux mois, de 20 % pendant un mois et de 10 % pendant deux mois. En tenant compte de ces périodes, le montant de la réparation du préjudice doit être évalué à la somme de 1 550 euros.
13. Le tribunal administratif n'a pas insuffisamment évalué le montant de la réparation des souffrances endurées fixées à 4,5 sur une échelle de 1 à 7 en allouant à la victime la somme de 10 400 euros.
14. Les premiers juges ont fait une estimation insuffisante de la réparation du préjudice esthétique temporaire de M. C... en lui allouant la somme de 1 000 euros pour une période de six mois. Il y a lieu de porter le montant de l'indemnisation à 2 000 euros.
15. M. C... présente un déficit fonctionnel permanent au taux de 18 %. En fixant à la somme de 30 000 euros le montant du préjudice subi à ce titre par l'intéressé, âgé de dix -sept ans (et demi) à la date de consolidation de son état de santé, le tribunal en a fait une appréciation insuffisante. Il convient d'en porter la réparation à la somme de 37 000 euros.
16. Le préjudice esthétique permanent de l'intéressé fixé à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 sera mieux réparé par l'allocation de 3 500 euros.
17. Il résulte de l'instruction que M. C... avait de nombreuses activités sportives qu'il ne peut plus pratiquer. Le tribunal administratif n'a pas injustement évalué le montant de sa réparation en le fixant à la somme de 5 000 euros.
18. Il sera fait une plus juste appréciation du préjudice sexuel du requérant en portant à 5 000 euros le montant de l'indemnité correspondante, compte-tenu du jeune âge de la victime à la date de consolidation de son état de santé.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'AP-HM à la somme de 57 000 euros. Il y a lieu de porter cette somme à 81 150 euros.
Sur les frais liés au litige :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM les sommes demandées par l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et la CPAM des Bouches-du-Rhône au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La somme que l'AP-HM a été condamnée à payer à M. C... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2018 est portée à 81 150 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'AP-HM versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de la CPCAM des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, à l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme G..., présidente-assesseure,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
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N° 19MA00230