Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 janvier 2019, le 4 juin 2019 et le 3 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 50 800,61 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
2°) de porter à la somme de 177 915,61 euros le montant de l'indemnité due (ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2016 et de la capitalisation de ces intérêts) ;
3°) à défaut, de porter la somme à 93 120,61 euros correspondant à l'offre formalisée par le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard ;
4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier du pays d'Aix et de la SA Axa France Iard la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre frais exposés et non compris dans les dépens de première instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier du pays d'Aix a commis une faute lors de l'intervention chirurgicale ;
- elle n'a pas été informée des risques de l'opération ;
- les préjudices ont été insuffisamment évalués.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 mars 2019 et le 13 juin 2019, le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard, représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille les a solidairement condamnés à payer la somme de 50 800,61 euros à Mme E... ;
- de ramener à la somme de 48 800,61 euros le montant de l'indemnité due.
Ils soutiennent que :
- le préjudice d'impréparation, les frais de consultation et d'assistance, les frais de déplacement, le besoin d'aide par une tierce personne, la perte de gains professionnels actuels, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique, temporaire et permanent, le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d'agrément ont été justement évalués ;
- l'indemnisation des souffrances endurées devra être ramenée à la somme de 8 000 euros.
La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme E..., et de Me A... C... représentant le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... relève appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 50 800,61 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'un défaut d'information du risque de paralysie du nerf spinal et d'une faute technique commise lors de l'exérèse ganglionnaire jugulo carotidienne réalisée le 19 juillet 2007.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise amiable diligentée par la SA Axa France Iard, assureur de l'établissement de soins, que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la responsabilité du centre hospitalier du pays d'Aix était engagée en l'absence de délivrance d'une information et en raison d'une faute médicale.
En ce qui concerne les préjudices de Mme E... :
3. Il sera fait une plus juste appréciation du préjudice subi par la requérante du fait de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de se préparer psychologiquement à la réalisation du risque auquel elle était exposée et qui s'est réalisé en en fixant le montant de la réparation à la somme de 2 000 euros.
4. Le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard ne contestent pas la somme allouée par les premiers juges au titre des frais de déplacements. La requérante n'établit pas plus en appel qu'en première instance l'utilité de la consultation du docteur Drouot pour la solution du litige. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de remboursement des honoraires exposés à ce titre par Mme E... (et a limité à 1 800 euros la somme allouée au titre des frais d'assistance par un médecin conseil).
5. L'indemnité d'un montant de 613,68 euros accordée par le tribunal au titre de la perte de gains actuels n'est pas discutée en appel.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que Mme E... a eu besoin du 1er décembre 2010 au 10 janvier 2011 de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de deux heures par jour tous les jours. Cette aide lui a été apportée par sa fille. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu pour l'indemnisation la base d'une année de 412 jours et un taux horaire de 13 euros calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales. Par suite, en fixant à 1 200 euros les frais liés à l'assistance par une tierce personne, le tribunal a justement évalué ce préjudice.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les séquelles présentées par la requérante la gênent dans ses activités professionnelles. Compte tenu de l'âge de la victime, l'incidence professionnelle sera mieux réparée en portant le montant de sa réparation à la somme de 3 000 euros.
8. Mme E... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 23 au 30 novembre 2010 et des périodes de déficit fonctionnel temporaire aux taux de 50 % du 1er décembre 2010 au 10 janvier 2011 et de 25 % du 19 juillet 2007 au 22 novembre 2010 et du 11 janvier au 23 novembre 2011. Le tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à la somme de 5 500 euros qu'il y a lieu de porter à 6 800 euros.
9. Mme E... a enduré des souffrances dont l'intensité a été estimée par l'expert à 4,5 sur une échelle de 1 à 7. Le tribunal administratif n'a pas surévalué ni sous-évalué ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 10 000 euros.
10. Les premiers juges n'ont pas insuffisamment évalué le préjudice esthétique temporaire de Mme E... fixé à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7 en fixant le montant de sa réparation à la somme de 2 000 euros.
11. Il résulte de l'instruction que le sapiteur, chirurgien orthopédique, consulté par l'expert a évalué le déficit fonctionnel permanent de Mme E... au taux de 15 % correspondant aux séquelles en lien avec la faute médicale commise par le centre hospitalier du pays d'Aix. Si l'expert fixe le taux du déficit fonctionnel permanent de la patiente à 40 %, il n'en explique pas les raisons. Par ailleurs, les deux avis médicaux produits en appel par la requérante qui indiquent que les seules lésions prises en compte par le sapiteur concernent celles en lien avec l'épaule et la perte fonctionnelle de l'épaule mais pas celles au niveau du rachis cervical, sans fixer le déficit fonctionnel permanent à 40%, ne sont pas susceptibles de remettre en cause l'analyse du sapiteur. Il suit de là que c'est à juste titre que le tribunal a fixé le taux du déficit fonctionnel permanent à 15 %. Il a par ailleurs suffisamment réparé ce préjudice en l'évaluant, compte tenu de l'âge de Mme E..., quarante-six ans, à la date de consolidation fixée au 23 novembre 2011, à la somme de 21 000 euros.
12. Le tribunal administratif n'a pas indemnisé de manière suffisante le préjudice d'agrément de Mme E... qui ne peut plus pratiquer le tennis et la natation en lui allouant la somme de 1 000 euros. Il y a lieu d'apprécier ce préjudice à la somme de 2 000 euros.
13. Le préjudice esthétique permanent fixé par l'expert à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 a été suffisamment évalué par les premiers juges à la somme de 2 700 euros.
14. Il suit de là que le montant total du préjudice de Mme E... s'élève à la somme de 54 600,61 euros.
15. C'est à juste titre que le tribunal a considéré que Mme E... avait droit sur la somme allouée aux intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2017, date de réception de sa demande d'indemnisation par le centre hospitalier du pays d'Aix, et non à compter du dépôt du rapport d'expertise.
En ce qui concerne les débours de la caisse :
16. Le montant des débours accordé par le tribunal n'est discuté en appel par aucune des parties.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est fondée à demander que l'indemnité mise à la charge solidaire du centre hospitalier du pays d'Aix et de la SA Axa France Iard soit portée à la somme de 54 600,61 euros. Par ailleurs, les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard doivent être rejetées.
Sur les frais de procédure exposés par Mme E... devant le tribunal administratif :
18. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a mis à la charge solidaire du centre hospitalier du pays d'Aix et de la SA Axa France Iard la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par celle-ci. Par suite, ses conclusions tendant à la réformation du montant accordé à ce titre ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier du pays d'Aix et de la SA Axa France Iard le versement à Mme E... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 50 800,61 euros que le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard ont été solidairement condamnés à verser à Mme E... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 décembre 2018 est portée à 54 600,61 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.
Article 4 : Le centre hospitalier du pays d'Aix et la SA Axa France Iard verseront solidairement à Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier du pays d'Aix et de la SA Axa France Iard présentées par la voie de l'appel incident et celles présentées sur fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., au centre hospitalier du pays d'Aix, à la SA Axa France Iard et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme G..., présidente-assesseure,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
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N° 19MA00440