- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Sanson, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Bouches-du-Rhône relève appel du jugement du 30 mars 2021, par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 24 février 2020 refusant à Mme D..., ressortissante comorienne, la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par la voie de l'appel incident, Mme D... demande l'annulation de ce jugement en ce qu'il n'a enjoint au préfet que de réexaminer sa situation.
2. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
3. Il ressort des pièces du dossier que le 5 avril 2016 à Saint-Pierre (Réunion), Mme D... a donné naissance à un garçon dont la paternité a été reconnue par M. A... B..., ressortissant français. Ce dernier a toutefois indiqué le 3 août 2016 aux services de police, au cours d'une audition dont le préfet produit le procès-verbal pour la première fois en appel, avoir faussement déclaré être le père de cet enfant afin d'aider l'intéressée à régulariser sa situation administrative. Les allégations de Mme D... selon lesquelles M. B... se serait ainsi rétracté afin de ne pas avoir à assumer la charge de cet enfant apparaissent, en l'état de l'instruction, peu crédibles. Dans ces conditions, le préfet pouvait légalement, pour refuser d'admettre Mme D... au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se fonder sur le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la qualité de parent d'enfant français de Mme D... du fait de la reconnaissance par un ressortissant français de son enfant pour annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'intéressée devant le tribunal administratif.
5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., qui se borne à relever que l'arrêté litigieux du 24 février 2020 a été pris au cours de la procédure de référé suspension qu'elle a introduite contre la décision implicite de rejet de sa demande d'admission au séjour, ressort des termes mêmes de cet arrêté que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
6. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent être utilement invoquées ni à l'encontre du refus de titre de séjour litigieux, qui est pris en réponse à une demande formulée par l'intéressée, ni à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français concomitante, qui est entièrement régie par les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Mme D... ne saurait davantage se prévaloir de l'article 1er du protocole n° 7 additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne concerne que le cas de l'expulsion d'un étranger résidant régulièrement en France.
8. Si elle peut en revanche invoquer, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, la méconnaissance du droit d'être entendu reconnu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et par les principes généraux du droit de l'Union européenne, elle ne se prévaut d'aucun élément qui aurait été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision contestée et n'établit pas, dès lors, avoir été privée de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
9. En troisième lieu, Mme D..., qui ne peut se prévaloir d'une durée de séjour significative en France à la date de l'arrêté contesté et se borne à soutenir, sans d'ailleurs l'établir, que son père résiderait sur le territoire national, n'établit pas y avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux. En outre, l'intérêt supérieur de son enfant, alors âgé de moins de quatre ans et non scolarisé en France, ne fait pas obstacle à ce que la cellule familiale se reforme aux Comores, où Mme D... a passé la majeure partie de son existence et où elle n'allègue pas être dépourvue de toute attache privée et familiale. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 24 février 2020 refusant de délivrer à Mme D... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
12. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation du jugement attaqué et rejette les conclusions en annulation présentées par Mme D... devant le tribunal, n'implique aucune mesure d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions d'appel incident de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1906983 du 30 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille, ainsi que ses conclusions d'appel incident, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à Me Chartier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Sanson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 21MA01587
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