Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, M.C..., représenté par la SCP Sebag, B..., Paternot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 février 2018 ;
2°) de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 45 248,02 euros ainsi que les intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en ne l'invitant pas à régulariser sa demande, le tribunal administratif l'a privé d'une chance de mieux faire valoir ses droits ;
- le retard à lui communiquer le mémoire en défense et le délai qui lui a été imparti pour y répliquer ont porté atteinte au principe du contradictoire ;
- l'impossibilité d'accéder à son cabinet et les difficultés de stationner à proximité engagent la responsabilité sans faute de la métropole ;
- la durée des travaux a excédé celle qui était prévue ;
- le dommage a présenté un caractère anormal ;
- le rejet de sa demande méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C...la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas méconnu le principe du contradictoire ;
- le lien de causalité entre les travaux publics et la baisse de l'activité commerciale n'est pas établi ;
- les travaux en cause n'excèdent pas les nuisances que doivent normalement supporter les riverains des voies publiques dès lors que l'accès au cabinet d'expertise-comptable ainsi que le stationnement ont été maintenus et que le cabinet est resté visible ;
- la durée de la gêne n'a pas excédé quatre mois ;
- le préjudice allégué n'est pas spécial ;
- le principe d'égalité entre les riverains d'une voie publique en travaux n'a pas été méconnu ;
- le cabinet d'expertise-comptable n'a subi aucune baisse de chiffre d'affaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2015-1085 du 28 août 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.C..., et de MeA..., représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., expert-comptable, dont le cabinet se situe au numéro 155 de la rue Saint-Antoine à Marseille, fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'indemnisation de la perte de bénéfice qu'il estime avoir subi, au cours des années 2013 et 2014, du fait des travaux de construction de la ligne B2 de bus à haut niveau de service. Le requérant demande ainsi la réparation de dommages de travaux publics dont la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, aux droits de laquelle vient la métropole Aix-Marseille-Provence, est le maître d'ouvrage, en qualité de tiers par rapport à ces travaux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur au jour de l'introduction de la demande de première instance : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent (...) ". L'article R. 431-3 du même code dispose, dans sa version alors en vigueur : " Toutefois, les dispositions du premier alinéa de l'article R. 431-2 ne sont pas applicables : / 1° Aux litiges en matière de travaux publics (...) 5° Aux litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale (...) ".
3. La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif tendait à l'indemnisation de dommages de travaux publics et était dirigée contre la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, collectivité territoriale. Les dispositions des articles R. 431-2 et R. 431-3 du code de justice administrative dispensent une telle requête de l'obligation de ministère d'avocat. Aucune disposition du code de justice administrative n'imposait au tribunal d'informer le requérant qu'il pouvait être assisté d'un avocat dès lors que sa requête était ainsi recevable. Il suit de là que le jugement attaqué n'a pas été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute pour les premiers juges d'avoir invité le requérant à régulariser sa requête.
4. En second lieu, il ressort de l'examen des pièces du dossier de première instance que le mémoire produit par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole le 15 décembre 2016 a été communiqué à M. C...le 12 septembre 2017. Le requérant a disposé d'un délai de plus d'un mois, avant le 1er novembre 2017, date à partir de laquelle l'instruction pouvait être clôturée en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, pour y répondre. Il a d'ailleurs présenté des mémoires en réplique enregistrés le 1er novembre 2017 et le 27 novembre 2017. Par suite, le requérant n'est fondé à soutenir ni qu'il n'aurait pas disposé d'un délai raisonnable pour présenter ses observations en réplique, ni que le tribunal aurait ainsi méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
5. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.
6. M. C...ne démontre pas par les pièces qu'il produit, consistant en trois coupures de presse, quatre clichés photographiques non datés et deux attestations rédigées plus de trois ans après les faits, que la présence du chantier aurait interdit ou rendu particulièrement difficile l'accès à son établissement en 2013 et 2014 ainsi que le stationnement des véhicules de ses clients, et notamment que la porte de son cabinet d'expertise comptable aurait été masquée par des échafaudages ou des grilles de protection. Il n'établit pas davantage que le stationnement des véhicules à proximité immédiate de l'établissement était impossible, notamment dans la rue de la Gavotte. Le requérant ne peut pas utilement se prévaloir de la circonstance que la commission d'indemnisation amiable des préjudices commerciaux à la réalisation d'une ligne de bus à haut niveau de service entre le métro Bougainville et Saint-Antoine aurait indemnisé des commerçants et professionnels riverains des travaux au titre de la même période dès lors qu'il s'agit d'une procédure d'indemnisation présentant un caractère amiable et que les personnes et sociétés indemnisées justifiaient d'un préjudice spécifique. Il résulte au contraire des documents de phasage des travaux produits par le maître d'ouvrage que l'accès automobile à la rue Saint-Antoine dans laquelle se situe le cabinet, à la rue de la Gavotte sur laquelle il dispose d'une seconde entrée et à la placette se trouvant à proximité a été maintenu pendant toute la durée des travaux qui se sont déroulés aux abords de l'établissement du 6 septembre au 24 décembre 2013. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que sa clientèle aurait été confrontée à des difficultés excessives pour atteindre en voiture ou à pied le cabinet pendant la période au titre de laquelle une indemnité est demandée. Au demeurant, les travaux en cause, à supposer qu'ils aient induit une gêne, ne sont pas susceptibles de détourner, compte tenu de sa nature particulière, la clientèle même locale d'un cabinet d'expertise comptable. Par ailleurs, M. C...n'établit pas que la durée prévue des travaux a été prolongée de plusieurs mois dans le secteur de son lieu de travail. Enfin, le chiffre d'affaires et le résultat comptable du cabinet du requérant n'ont pas diminué pendant la durée des travaux mais l'année suivante, en 2014.
7. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité sans faute de la métropole Aix-Marseille-Provence n'est pas engagée. M. C...n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la métropole Aix-Marseille-Provence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : M. C...versera à la métropole Aix-Marseille-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et à la métropole Aix-Marseille-Provence.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019 où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 mai 2019.
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N° 18MA02267