Par une requête, enregistrée le 1er février 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 22 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement le centre hospitalier de La Ciotat et la SHAM en réparation des préjudices qu'il a subis ;
2°) de porter à la somme de 68 000 euros l'indemnité due au titre de ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de La Ciotat et de la SHAM la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'intervention du 15 septembre 2011 a été pratiquée avec retard ;
- la patiente et sa famille n'ont pas été informées des risques de l'intervention du
12 septembre 2011 ;
- la perte de chance de survie de la victime doit être indemnisée ;
- sa mère a subi des souffrances morales ;
- il a lui-même subi un préjudice moral, ainsi que son fils.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2017, le centre hospitalier de La Ciotat et la SHAM concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir que :
- la patiente a été informée des risques de l'intervention, laquelle s'imposait ;
- la perte de chance de survie, qui n'est apparue qu'au jour du décès, ne peut être indemnisée ;
- la réalité de l'existence de souffrances morales éprouvées en raison de la conscience d'une espérance de vie réduite n'est pas démontrée ;
- le tribunal administratif a suffisamment indemnisé le préjudice d'affection du requérant et de son fils.
La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de MeC..., représentant MMA....
1. Considérant que MmeA..., alors âgée de soixante-treize ans, a été opérée le 12 septembre 2011 au centre hospitalier de La Ciotat d'une hémicolectomie pour un cancer du caecum ; que les symptômes qu'elle a présentés le 14 septembre ont conduit les médecins à pratiquer le 15 septembre à 8h00 une nouvelle intervention, à l'occasion de laquelle a été mise en évidence une fistule anastomotique ; que l'état de la patiente s'est brutalement dégradé et elle est décédée le 16 septembre à 1h30 ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de La Ciotat :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
3. Considérant que n'est pas contestée en appel la faute commise par le centre hospitalier de La Ciotat tirée de la réalisation tardive de la seconde intervention chirurgicale, laquelle aurait dû être pratiquée 8 à 10 heures plus tôt ; que la perte de chance pour la victime d'échapper au décès, fixée par le tribunal administratif à 30 %, n'est pas contestée en appel ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au moment des faits : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...). Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ;
5. Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l'intervention ;
6. Considérant que le requérant conteste que sa mère ait reçu une information sur les risques que comportait l'intervention du 12 septembre 2011 et indique que l'opération a été présentée à la patiente comme étant fréquente et sans risque ; que le centre hospitalier de La Ciotat ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la délivrance de cette information, malgré la production au dossier d'une fiche de consentement éclairé, signée par la patiente, mais sur laquelle les cases " patient informé des risques " et " bénéfices/risques discutés avec le patient " n'ont pas été cochées par le praticien ; que toutefois, l'indication opératoire était formelle ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intervention aurait pu être retardée ni qu'il existait une alternative moins risquée ; que, par suite, la faute commise par le centre hospitalier de La Ciotat n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, une perte de chance pour Odette A...de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par conséquent, due à ce titre ;
Sur les préjudices :
7. Considérant, en premier lieu, que si M. A...demande réparation d'une perte de chance de survie, ce chef de préjudice n'ouvre pas droit à réparation dès lors que cette perte n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'état de santé d'Odette A...s'est dégradé dès le 14 septembre 2011, entraînant une intervention chirurgicale exploratrice le 15 à 8h00 ; que l'intéressée était agitée le 14 et que son état, préoccupant, avait justifié d'avertir plusieurs membres de sa famille ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que la patiente a éprouvé une souffrance morale du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite qui doit être réparée par la somme de 4 000 euros, soit 1 200 euros après application du taux de perte de chance, revenant à M. A...en sa qualité d'ayant droit ;
9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que le tribunal administratif n'a pas insuffisamment réparé les préjudices d'affection de M. A...et de son fils en les indemnisant par les sommes respectives de 1 500 et 1 000 euros ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de La Ciotat et la SHAM à ne lui allouer que la somme de 2 500 euros ; qu'il convient de porter cette somme à 3 700 euros ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de La Ciotat et de la SHAM la somme de 2 000 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par
M. A...;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 2 500 euros que le centre hospitalier de La Ciotat et la SHAM ont été condamnés à verser à M. A...par le jugement du tribunal administratif de Marseille du
22 décembre 2015 est portée à 3 700 euros, la somme complémentaire de 1 200 euros étant allouée à M. A...en sa qualité d'ayant droit d'OdetteA....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le centre hospitalier de La Ciotat et la SHAM verseront à M. A...la somme de
2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à M. B...A..., au centre hospitalier de La Ciotat, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Barthez président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018
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N° 16MA00381