Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2017 et le 11 septembre 2018, Mme E..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er décembre 2016 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge du département de Corse-du-Sud la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ouvrage public n'a pas fait l'objet d'un entretien normal ;
- elle n'a pas commis de faute de nature à exonérer le maître de l'ouvrage de sa responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, la collectivité de Corse, venant aux droits du département de Corse-du-Sud, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de MmeE... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance-maladie de Corse-du-Sud, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse A...a été victime le 10 août 2013 vers 11 heures d'une chute sur la route départementale n° 555, à hauteur de la rocade du Prunelli à Porticcio. Imputant cet accident à l'état de la voie publique, Mme A...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'en déclarer responsable le département de Corse-du-Sud, auquel la collectivité de Corse s'est substituée à compter du 1er janvier 2018, d'ordonner une expertise afin d'évaluer les préjudices qui en ont résulté et de condamner celui-ci à lui verser une provision d'un montant de 5 000 euros. Le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande par un jugement du 1er décembre 2016, au motif que l'accident était entièrement imputable à l'imprudence de la victime.
Sur la responsabilité de la collectivité de Corse :
2. Les pièces du dossier permettent d'établir que MmeE..., qui marchait sur le bas-côté droit de la route départementale n° 555, est arrivée à hauteur d'une excavation longeant la partie bitumée de la chaussée sur environ 1,50 mètre, présente depuis longtemps et parfaitement visible. Ainsi qu'il ressort des photographies produites, la partie bitumée de la voie de circulation en surplomb de l'excavation, empruntée par Mme A...pour contourner l'obstacle, était fissurée et friable, l'enrobé se délitant sous la bande blanche et la voie réservée au passage des véhicules. L'état abîmé de la chaussée le long de cette excavation constitue un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public de nature à engager la responsabilité de la collectivité de Corse.
3. L'accident a eu lieu en plein jour et l'état de la chaussée était partiellement visible. A ce moment précis, plusieurs véhicules circulaient sur cette voie assez fréquentée, dont les conducteurs d'au moins deux d'entre eux se sont d'ailleurs ultérieurement arrêtés pour porter secours à la victime après avoir été témoins de sa chute. S'il appartenait à un piéton raisonnablement prudent de prêter prioritairement son attention à la circulation environnante, il lui était également possible de patienter pour contourner plus largement l'excavation par la voie de circulation. En empruntant la voie de circulation des véhicules sur la partie abîmée de la chaussée en bordure de l'excavation, l'intéressée a, dans les circonstances de l'espèce, commis une faute de nature à exonérer la collectivité de Corse de la moitié de sa responsabilité.
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les préjudices subis par MmeE... :
5. L'article R. 621-1 du code de justice administrative prévoit que la juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner avant dire droit qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par la juridiction.
6. L'état du dossier, qui ne comporte pas de rapport d'expertise médicale, ne permet pas à la cour d'apprécier la nature et l'étendue des préjudices corporels éprouvés par Mme E... en raison de l'accident. Il y a lieu en conséquence d'ordonner avant de statuer sur la requête de Mme E... une expertise sur ces points.
Sur l'indemnité provisionnelle :
7. Mme E..., dont la chute a entraîné une fracture de l'épaule gauche, a souffert du fait de l'accident de certains préjudices, résultant notamment des souffrances endurées et d'un déficit fonctionnel temporaire, qui, si leur étendue ne peut être connue de façon suffisamment certaine, sont suffisamment établis par les pièces du dossier pour justifier l'octroi une indemnité provisionnelle à hauteur de 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La collectivité de Corse est déclarée responsable de la moitié des conséquences de l'accident dont a été victime Mme E... le 10 août 2013 sur la route départementale n° 555.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme E..., procédé par un expert désigné par la présidente de la cour administrative d'appel, à une expertise. L'expert aura pour mission de :
1°) se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission, examiner Mme E... et décrire son état actuel ;
2°) préciser dans quelle mesure l'état actuel de Mme E... est imputable aux séquelles de l'accident dont elle a été victime le 10 août 2013 ;
3°) déterminer, d'une part, la date de consolidation des blessures et, d'autre part, la durée et le taux de déficit fonctionnel temporaire, le taux du déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique, les souffrances physiques et le préjudice d'agrément en relation directe avec l'accident.
Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant la greffière en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : La collectivité de Corse est condamnée à verser une provision de 500 euros à Mme E....
Article 7 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud et à la collectivité de Corse.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- MmeD..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 novembre 2018.
N° 17MA00141 2