Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier 2018 et le 5 décembre 2018, MmeB..., représentée par Me F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du 9 novembre 2017 par lequel tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 32 019 euros le montant de l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier d'Ajaccio et la Société hospitalière d'assurances mutuelles ;
2°) de porter à 224 304 euros le montant de l'indemnité due ;
3°) de mettre à leur charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que les préjudices subis ont fait l'objet d'une évaluation insuffisante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2018, le centre hospitalier d'Ajaccio et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par
MeE..., concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que les moyens invoqués par Mme B...ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud qui n'a pas produit de mémoire.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence de manquement du centre hospitalier à son obligation d'information.
Un mémoire a été enregistré pour Mme B... en réponse à cette mesure d'information le 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., née en 1985, a présenté un déficit du membre supérieur gauche suite à une biopsie ganglionnaire cervicale gauche réalisée le 19 mai 2014 au centre hospitalier d'Ajaccio. Par un jugement du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Bastia, après avoir retenu que la lésion du nerf spinal entraînant de vives douleurs et la paralysie du membre supérieur gauche résultait d'une technique opératoire défaillante et que le centre hospitalier d'Ajaccio avait en outre commis une faute en s'abstenant d'informer Mme B...de ce risque, a condamné ce dernier et la Société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 32 019 euros. Mme B...fait appel de ce jugement pour demander une meilleure réparation des préjudices.
Sur le préjudice d'impréparation :
2. Le premier alinéa de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, relatif à l'obligation d'information pesant sur les professionnels de santé, prévoit que : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. "
3. Il résulte du rapport de l'expert nommé par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Corse qu'ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, la paralysie du membre supérieur gauche de Mme B...résulte d'un geste médical fautif du praticien ayant réalisé l'opération. Ce geste fautif ne constituait pas un risque normalement prévisible dont il appartenait au centre hospitalier d'Ajaccio d'informer la patiente. Le rapport par lequel l'expert propose de retenir un manquement à cette obligation d'information, sans s'être préalablement interrogé sur le caractère normalement prévisible du risque qui s'est réalisé, ne peut être suivi. C'est en conséquence à tort que le tribunal administratif de Bastia a estimé que le centre hospitalier d'Ajaccio avait manqué à son obligation d'information et accordé à Mme B...la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation qui en aurait résulté.
Sur les préjudices résultant de la faute médicale :
4. En allouant à Mme B...la somme de 2 208 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, total pendant trois jours puis fixé au taux de 20 % jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, le 19 novembre 2015, et celle de 2 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ces préjudices.
5. L'indemnisation du préjudice esthétique résultant d'une différence de
cinq centimètres de l'alignement des épaules, qui revêt un caractère permanent, doit être portée à la somme de 5 000 euros compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation.
6. Le déficit fonctionnel permanent de Mme B...peut être fixé au taux de 18 %. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation du dommage, en portant à 35 000 euros la somme destinée à le réparer.
7. Enfin, les séquelles dont reste atteinte Mme B...ont justifié l'acquisition d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesses automatique. Le surcoût qui en résulte doit être indemnisé à hauteur de 1 500 euros au titre des frais de véhicule adapté.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a solidairement condamné le centre hospitalier d'Ajaccio et la Société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser, soit portée à la somme de 45 708 euros.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier d'Ajaccio et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Mme B...de la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 32 019 euros que le centre hospitalier d'Ajaccio et la SHAM ont été condamnés à payer solidairement à Mme B... par le jugement du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Bastia est portée à 45 708 euros.
Article 2 : Le jugement du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Ajaccio et la Société hospitalière d'assurances mutuelles verseront à Mme B...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au centre hospitalier d'Ajaccio, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud et au docteur D...A....
Copie en sera adressée pour information à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse et à l'expert nommé par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Corse.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
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N°18MA00140