Par une requête, enregistrée le 29 mai 2020, la commune de Gréoux-les-Bains, représentée par Me G..., demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 13 mai 2020 et de rejeter la requête de la SCP JP Louis et A. F... ;
2°) statuant à nouveau, de rejeter la requête en référé-provision ;
3°) à titre reconventionnel, et si la créance devait être regardée comme non sérieusement contestable, d'appeler M. C... et M. D..., les maîtres d'oeuvre, en garantie de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de Me F..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bâtisseur Nord Sud, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elle identifie de façon erronée le requérant ;
- sa condamnation à verser une somme à Me F... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est irrégulière dès lors que ce dernier n'a pas exposé de frais à l'instance ;
- cette ordonnance est irrégulière en raison de la durée excessive de la procédure de référé et de la violation du principe du contradictoire ;
- la SCP Gillibert et associés et Me F... n'ont pas justifié de leur capacité à agir en première instance ;
- des fautes sont imputables à la société Bâtisseur Nord Sud ;
- M. C... et M. D... ont manqué à leurs obligations de conseil et d'assistance au maître d'ouvrage ;
- la qualification de décompte général et définitif est erronée dès lors qu'il s'agit d'un décompte de résiliation ;
- la société Bâtisseur Nord Sud a commis une fraude en tentant de faire passer une facture pour un décompte général définitif.
La requête a été communiqué à Me F..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bâtisseur Nord Sud, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du 1er septembre 2020 par laquelle la présidente de la Cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Guy Fédou, président de la sixième chambre, pour juger les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 3 février 2012, la commune de Gréoux-les-Bains a confié à la société Bâtisseur Nord Sud le lot n° 2 " maçonnerie-gros oeuvre " du marché public, passé pour la construction d'un centre technique municipal, pour un montant total de 405 417,68 euros toutes taxes comprises. Par ordre de service du 23 février 2012, le maître d'oeuvre a notifié à la société Bâtisseur Nord Sud le démarrage des travaux prévus pour une durée de huit mois, dont un mois de préparation. En l'absence de réalisation effective des travaux confiés au titulaire du lot n° 2, la maîtrise d'oeuvre a dressé, le 12 mars 2013, un procès-verbal portant sur des opérations préalables à la réception. Le 9 septembre 2016, la société Bâtisseur Nord Sud a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille afin d'obtenir le paiement d'une provision de 42 882,57 euros toutes taxes comprises. La commune de Gréoux-les-Bains relève appel de l'ordonnance, en date du 13 mai 2020, par laquelle ce juge l'a condamné à verser à Me F..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bâtisseur Nord Sud, la somme de 17 186,65 euros hors taxes augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : " I.- Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ".
3. Si la commune de Gréoux-les-Bains soutient que la SCP Gillibert et Me F... ne justifiaient pas de leur qualité pour engager une action en justice au nom de la société Bâtisseur Nord Sud, il ressort de l'instruction que, par un jugement du 8 novembre 2016, le tribunal de commerce de Manosque a désigné la SCP Gillibert en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP JP Louis et A. F... en qualité de mandataire judiciaire. Me E..., représentant initialement la SCP Gillibert, a également fait savoir, par un courrier du 21 juin 2019, qu'il représentait la SCP JP Louis et A. F... dans l'instance. Dès lors, Me F..., ayant été désigné comme liquidateur judiciaire de l'entreprise, exerçait, conformément à l'article L. 641-9 du code de commerce, les droits et actions de la société Bâtisseur Nord Sud pendant toute la durée de la liquidation. Le moyen tiré de l'absence de qualité pour agir doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, si la commune de Gréoux-les-Bains invoque la longueur du délai d'instruction de la demande de référé provision, il ne résulte pas de l'instruction que ce délai ait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une quelconque influence sur le sens de la décision prise. Il n'est pas par ailleurs démontré que l'absence d'indication d'un calendrier de procédure dans ladite instance de référé ait entraîné une violation du principe du contradictoire. Le moyen doit dès lors être écarté.
5. En troisième lieu, si la commune de Gréoux-les-Bains soutient que Me F... n'a pas exposé de frais en première instance et que, par conséquent, sa condamnation à verser une somme à Me F... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est irrégulière, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été rappelé au point 3 de la présente ordonnance, que Me E..., avocat représentant initialement la SCP Gillibert, a également fait savoir, par un courrier du 21 juin 2019, qu'il représentait la SCP JP Louis et A. F... dans l'instance et que Me F..., désigné comme liquidateur judiciaire de l'entreprise, exerçait, conformément à l'article L. 641-9 du code de commerce, les droits et actions de la société Bâtisseur Nord Sud pendant toute la durée de la liquidation. Par suite, le moyen sus analysé de la commune de Gréoux-les-Bains doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bienfondé de l'ordonnance attaquée :
6. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
7. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties.
8. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 11 juillet 2019, la commune de Gréoux-les-Bains a obtenu la condamnation solidaire des maîtres d'oeuvre, MM. Bernard C... et Francis D..., à lui verser la somme de 63 079,05 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis lors de la construction de son centre technique municipal. Il est constant que ce jugement n'a, en aucun cas, condamné la société Bâtisseur Nord Sud. En outre, malgré les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché, la commune de Gréoux-les-Bains a cependant établi le décompte général définitif du marché de la société Bâtisseur Nord Sud qu'elle lui a notifié par un courrier daté du 23 avril 2013 signé par M. A... B..., maire de la commune, en lui précisant : " Suite à la transmission de votre décompte général définitif et à l'analyse du maître d'oeuvre, nous considérons vous devoir la somme de 22 836,15 euros hors taxes hors pénalités de retard évaluées à 5 649,50 euros hors taxes selon l'article 7 du CCAP " soit la somme de 17 186,65 euros hors taxes. Ce document du 23 avril 2013, envoyé au gérant de la société Bâtisseur Nord Sud, porte en outre en objet la mention : " décompte général et définitif (CTM Gréoux-les-Bains - Lot N° 2) ".
9. Ainsi, la commune de Gréoux-les-Bains ne saurait, pour soutenir que la créance de la société Bâtisseur Nord Sud d'un montant de 17 186,65 euros hors taxes serait inexistante et sérieusement contestable, que la qualification de décompte général et définitif serait erronée et que cette société aurait commis une fraude en tentant de faire passer une facture pour un tel décompte.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la créance de la société Bâtisseur Nord Sud ne peut être regardée, en l'état de l'instruction, comme non sérieusement contestable. La commune de Gréoux-les-Bains n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a accordé la demande de provision de la société Bâtisseur Nord Sud. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions aux fins d'annulation de la requête.
Sur les conclusions en appel en garantie :
11. Il ressort de l'examen des mémoires présentés par la commune de Gréoux-les-Bains devant le tribunal administratif de Marseille qu'elle n'a présenté aucun appel en garantie de M. C... et M. D... en première instance. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que M. C... et M. D... la garantissent des condamnations prononcées contre elle, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que Me F..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bâtisseur Nord Sud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la commune de Gréoux-les-Bains la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la commune de Gréoux-les-Bains est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Gréoux-les-Bains et à Me F..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bâtisseur Nord Sud.
Fait à Marseille, le 30 novembre 2020.
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N° 20MA01935