Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2015 et un mémoire enregistré le 10 février 2016, l'association ADOCH, prise en la personne de son liquidateur amiable, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1203428 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère désintéressé de sa gestion, et l'absence de preuve d'enrichissement des dirigeants de l'association font obstacle à son assujettissement aux impôts commerciaux ;
- son activité étant licite, et l'administration n'établissant pas qu'elle était assujettie aux impôts commerciaux, la taxation d'office n'était pas applicable sans mise en demeure préalable ;
- la procédure de vérification qui a été conduite avec un interlocuteur non habilité, et au cours de laquelle aucun débat contradictoire n'a eu lieu est irrégulière ;
- la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée et sommaire ;
- elle ne pouvait se voir infliger l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, compte tenu de sa réponse formulée le 8 octobre 2011.
Par un mémoire enregistré le 29 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant l'association requérante.
1. Considérant que l'association Aide à des uvres Caritatives et Humanitaires, ADOCH, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, dont sont issus des redressements de ses résultats au titre des trois exercices notifiés suivant la procédure de taxation d'office ; que l'association relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des amendes qui lui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
Sur l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. / Les organismes mentionnés au premier alinéa deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions prévues à l'alinéa précité n'est plus remplie " ; qu'aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : / (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7. 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. / (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. / Les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 et qui en remplissent les conditions, sont également exonérés pour leurs autres opérations lorsque les recettes encaissées afférentes à ces opérations n'ont pas excédé au cours de l'année civile précédente le montant de 60 000 euros. / (...) d. le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / l'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. / (...) l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; / les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux qui sont proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue à bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel ou, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association ADOCH, constituée le 9 février 2001 dans un cadre familial, entre M. C..., en qualité de président, sa fille Mme Christelle Frirburgo secrétaire, son épouse Mme G... C...et la soeur de cette dernière, Mme B... F...épouseE..., toutes deux membres du bureau, avait pour objet de récolter des fonds afin de les distribuer à des associations caritatives ; qu'elle était régie par la loi du 1er juillet 1901 ; que les procès-verbaux d'audition de M. C..., et de Mme E..., dressés respectivement le 14 décembre 2010 et le 15 décembre 2010 par des agents du Service Régional d'Enquêtes (SRE) de la direction des douanes de Montpellier ont permis d'établir que l'association ADOCH organisait et animait, chaque année, des séances de lotos pour un total chiffré à cent vingt par Mme E... et à cent soixante par M. C..., à destination d'un large public, l'association comptant environ mille huit cents membres adhérents ; que l'administration fiscale a relevé que les recettes comptabilisées par l'association se sont élevées à 157 793 euros en 2007, 129 185 euros en 2008 et 131 489 euros en 2009 alors que les montants des dons effectués par elle au profit d'organismes à but caritatif, se sont chiffrés à 4 040 euros en 2007, 10 090 euros en 2008 et 13 760 en 2009 ; qu'eu égard aux montants des bénéfices générés, à la faible part de ceux effectivement reversés à des associations caritatives, à la fréquence élevée des lotos et l'importance du nombre des participants, la gestion de l'association requérante ne peut être regardée comme désintéressée ; qu'enfin, l'association, qui a désigné M. et Mme C... et M. et Mme E... comme bénéficiaires des revenus distribués, ne conteste pas sérieusement que les recettes issues de son activité ont bénéficié à ses dirigeants ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nîmes a jugé que l'association ADOCH était passible de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206 du code général des impôts ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite. " ;
7. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, l'association ADOCH était assujettie à l'impôt sur les sociétés ; qu'elle n'a souscrit aucune déclaration dans le délai légal et ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalité des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ; que, par suite, l'administration n'était pas tenue de lui adresser une mise en demeure avant de procéder à la taxation d'office de ses bénéfices ;
8. Considérant, d'autre part, que si les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt, en revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées ; que, par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui ; que si que par jugement du 30 juin 2015 le tribunal correctionnel de Nîmes a relaxé les membres de l'association des chefs d'exploitation illicite d'un cercle ou d'une maison de jeu, c'est en raison de la nullité des citations à comparaître adressées aux prévenus ; qu'ainsi, ce jugement de relaxe ne comporte aucune constatation du juge répressif qui s'imposerait au juge de l'impôt ;
9. Considérant, en second lieu, que la situation de taxation d'office de l'association ADOCH trouve son origine dans les procès-verbaux d'audition des 14 et 15 décembre de M. C... et de Mme E... transmis à l'administration fiscale par l'administration des douanes dans le cadre du droit de communication prévu à l'article L. 83 du livre des procédures fiscales, et non dans les constatations opérées lors de la vérification de comptabilité de l'association ; que, par suite, les moyens tirés par l'association ADOCH de l'irrégularité de la procédure, le contrôle sur place s'étant déroulé avec un interlocuteur non habilité, et le vérificateur n'ayant rencontré qu'à deux reprises le président de l'association, sont inopérants ;
Sur le bien-fondé des impositions :
10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, l'administration fiscale a régulièrement taxé d'office les bénéfices en litige ; qu'en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de leur caractère exagéré incombe à l'association requérante ;
11. Considérant que le président de l'association n'ayant produit aucune pièce justificative de recettes sur l'ensemble de la période vérifiée, l'administration fiscale a dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité signé par M. C... et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'association, sur la base des éléments issus des procès-verbaux d'audition de M. C... et de Mme E..., et de la recette réalisée au cours de la soirée du 14 décembre 2010, qui a été fixée, au vu des constatations matérielles, à 1 675 euros ; que le montant a été multiplié par 140, moyenne du nombre de lotos organisés telle que résultant des déclarations ; que l'administration fiscale a retenu les charges comptabilisées par l'association, les frais de déplacement, évalués suivant le barème kilométrique auquel elle a ajouté des charges diverses, évaluées forfaitairement à 3 000 euros par an ; que la reconstitution a, par suite, été réalisée en tenant compte du mode de fonctionnement interne de l'association ; que si l'association requérante produit des relevés de comptes bancaires, ceux-ci, qui globalisent des remises de chèques et ne sont assortis d'aucun détail de recettes journalières, ne sont pas suffisants pour écarter la reconstitution faite par l'administration fiscale ; que si l'association fait valoir que l'intervention de l'administration des douanes s'est déroulée fin 2010 à une période d'activité plus soutenue que le reste de l'année, elle n'apporte aucun élément circonstancié et probant permettant de mieux déterminer les conditions réelles d'exploitation durant les exercices en cause et de contredire les chiffres tirés de l'audition de ses dirigeants ; que, par suite, l'association ADOCH ne conteste pas sérieusement les bases d'impositions retenues par l'administration et n'établit pas que la reconstitution opérée par l'administration fiscale serait excessivement sommaire ou radicalement viciée ;
Sur l'application de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :
12. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; qu'aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) " ;
13.Considérant que, sur le fondement de l'article 117 précité du code général des impôts, l'administration fiscale a invité l'association requérante à lui faire connaître les bénéficiaires desdites distributions dans le délai de trente jours fixé à l'article 117 du code général des impôts ; qu'en réponse, l'association ADOCH a précisé par courriel du 8 octobre 2011, qu'il n'existait aucun bénéficiaire des distributions mais " qu'afin de respecter les exigences légales et sans que ces indications ne puissent être considérées comme une quelconque acceptation les personnes suivantes sont désignées : M. C... I..., Mme C...J..., M. H..., Mme E...B... " ; que compte tenu de l'absence de mention de la date de l'appréhension des revenus distribués et du montant perçu par chaque bénéficiaire, l'administration fiscale a regardé cette réponse comme une réponse insuffisante équivalant à un refus et a fait application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; que toutefois, l'administration fiscale n'établit ni même allègue n'avoir pas été mise en mesure d'identifier les bénéficiaires des distributions ; que dans ces conditions, l'association requérante est fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait, au seul motif qu'elle n'avait pas fourni d'informations sur les dates et les modalités d'attribution de ces revenus, considérer que son courriel équivalait à un refus de réponse ; que, par suite, l'association ADOCH est fondée à demander la décharge de l'amende à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante est seulement fondée à demander la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'association et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'association ADOCH est déchargée de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010.
Article 2 : Le jugement n° 1203428 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association ADOCH est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association ADOCH et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Paix, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
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N° 15MA00812