Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2017, l'EURL Home Classic, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que son conseil n'a pas été destinataire des mémoires de l'administration et de l'avis d'audience ;
- la procédure d'imposition est irrégulière en ce que le nouveau gérant et associé unique depuis le 24 avril 2014 n'a assisté qu'à la réunion de synthèse alors que les opérations de vérification étaient achevées ;
- l'administration ne démontre pas que le déroulement de la procédure au cabinet de l'expert-comptable résulte d'une demande expresse du contribuable ;
- le déroulé de la procédure de vérification tel qu'il a eu lieu ne permet pas de vérifier qu'un minimum d'investigation a eu lieu au sein de l'entreprise et qu'un débat oral et contradictoire a été offert au contribuable ;
- sur le fond, le fait d'appliquer à ses factures prétendument éludées un coefficient de 2,85 est arbitraire ; le mode de calcul est erroné et hasardeux ;
- c'est l'importance des sommes calculées arbitrairement qui justifie l'application de pénalités ;
- l'absence de comptabilisation de factures d'achat ne peut s'analyser comme des manoeuvres frauduleuses.
Par un mémoire en défense, enregistré 12 octobre 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Home Classic, créée en février 2012 et exerçant une activité de maçonnerie générale et de gros oeuvre du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés pour la période du 18 février 2012 au 31 décembre 2013. L'EURL Home Classic relève appel du jugement du 7 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de décharge, en droits pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 18 février 2012 au 31 juin 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". L'article R. 613-2 du même code dispose : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. (...) ". Selon l'article R. 613-3 dudit code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. ".
3. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. (...) L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) ".
4. Si le jugement attaqué porte mention qu'un mémoire en défense de l'administration fiscale a été enregistré le 22 avril 2016, visé et analysé et que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, aucune des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif de Montpellier n'atteste que ledit mémoire en défense et l'avis d'audience ont été notifiés au conseil de la société requérante dans cette instance, dans les conditions prévues par les dispositions ci-dessus rappelées, ni d'ailleurs, que la partie requérante ait été présente ou représentée à cette audience. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'un vice de procédure au regard des exigences fixées par les articles R. 611-1 et R. 711-2 précités et à en demander, pour ces motifs, l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'EURL Home Classic, et sur ses moyens devant la Cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. ". Il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification qu'un contribuable soumis à une vérification de comptabilité doit être en mesure d'avoir sur place, pendant toute la durée du contrôle, un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Celui-ci ne peut être conduit qu'avec le représentant légal de l'entreprise ou son représentant mandaté.
7. La société requérante soutient qu'il appartenait au vérificateur de suivre la procédure avec le nouveau gérant, M. C... D...depuis le 24 avril 2014. Toutefois, pour être régulière, une procédure de vérification de comptabilité doit être précédée de la notification d'un avis de vérification au représentant légal de la société faisant l'objet de ce contrôle. Or, il est constant que l'avis de vérification de comptabilité de l'EURL Home Classic a été envoyé avec accusé réception au représentant légal de la société le 25 février 2014 puis, à l'adresse personnelle du gérant durant la période, M. E.... Alors que M. D... qui lui a succédé, n'a informé l'administration fiscale du changement de gérance que le 14 mai 2014, l'administration fiscale n'était pas tenue de notifier l'avis de vérification et de suivre la procédure avec le gérant nouvellement en fonction avant cette date. A compter de cette date, il est constant que M. D... a pu assister à la réunion de synthèse avec le vérificateur en date du 19 mai 2014 et a été destinataire des propositions de rectification dont s'agit. Le moyen tiré de l'insuffisance du débat contradictoire entre l'administration fiscale et le gérant de la société doit être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent dans les locaux du comptable de la société, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.
9. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de l'EURL Home Classic qui s'est déroulée du 21 mars au 19 mai 2014, s'est d'abord tenue le 21 mars 2014 à l'adresse du nouveau siège social 6 rue Georges Rodger à Perpignan indiquée par le gérant en fonction M. E... par courrier électronique du 10 mai 2014, puis à la demande de celui-ci, par courrier du 11 avril 2014, au sein du cabinet de son comptable M. A..., 3 rue Beau de Rochas à Cabestany, ledit comptable acceptant le mandat aux fins de communication de toutes pièces utiles à la procédure de vérification. Une troisième intervention a eu lieu au sein du cabinet d'expert-comptable le 13 mai 2014 en présence de M. E... et enfin, une dernière réunion de synthèse s'est tenue le 19 mai 2014, en présence de M. E... et du nouveau gérant, M. D..., à la suite de laquelle le vérificateur a adressé à la société des propositions de rectification qui portaient sur tous les éléments ayant fait l'objet du débat oral et contradictoire dans les locaux désignés par la société. Par suite, le vérificateur a pu poursuivre la vérification de comptabilité dans les locaux du cabinet de l'expert-comptable de la société, comme le lui avait demandé M. E..., gérant en fonction jusqu'au 14 mai 2014, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales. En outre, alors qu'il résulte de ces éléments qu'un dialogue contradictoire a pu se nouer dès lors que le gérant de la société a effectivement participé aux réunions de travail avec le vérificateur, la société requérante n'établit par aucun commencement de preuve qu'un débat oral et contradictoire ne se serait pas engagé entre le contribuable et le vérificateur lors de ces entrevues. Par suite, le moyen tiré de ce que le déroulement des opérations de contrôle aurait méconnu les garanties d'un tel débat entre la société contribuable et le vérificateur doit être écarté dans ses différentes branches.
Sur le bien-fondé des impositions :
10. Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".
11. Il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pas répondu aux propositions de rectification qui lui ont été adressées le 30 septembre 2014 en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, le 31 décembre 2014 s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013 et enfin le 31 décembre 2014 en ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 pour 2012 et 2013. Par suite, la charge de la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires lui incombe en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales précité.
12. Après avoir écarté la comptabilité présentée de l'EURL Home Classic comme irrégulière et non probante pour faute de pièces de recettes justifiant la réalité des chiffres portés en comptabilité ainsi que des factures d'achats incomplètes sans numéro de suivi et de date, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise, après exercice du droit de communication, sur la base des documents obtenus auprès du principal fournisseur, la société Point P, tenant à la copie du compte client ouvert à son nom et à la copie des factures correspondantes. En rapprochant le compte fournisseur de la comptabilité de l'EURL Home Classic de celui du compte client via le grand livre de la société Point P, le service a relevé que seulement 37 % et 28 % des achats réalisés par la société contribuable chez Point P ont été comptabilisés au titre des années 2012 et 2013. En se référant à ces comptes, à la déclaration de résultats de l'exercice 2012 et aux informations apportées par la société requérante, l'administration fiscale a appliqué aux achats non comptabilisés, selon la méthode propre aux entreprises du bâtiments, un coefficient multiplicateur chiffre d'affaires HT/ fournitures matières premières HT, de 2,85, obtenu à partir du chiffre d'affaires de 77 231 euros déclaré par la société au titre de l'exercice 2012 et du montant de ses achats déclarés pour cette même année de 27 133 euros.
13. En se bornant à alléguer sans le justifier que les factures d'achats ont été payées directement par les clients à son fournisseur point P, et que le fait d'appliquer à ces factures le coefficient multiplicateur retenu est arbitraire et incorrect, la société requérante ne critique pas utilement le taux de coefficient multiplicateur conforme à ceux habituellement rencontrés dans le type d'activité en cause. La société requérante ne propose aucune méthode alternative à celle de l'administration fiscale, laquelle, se fondant sur les éléments de l'exploitation et les précisions données par le gérant, n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire. L'EURL Home Classic n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
15. A supposer que la société requérante conteste ces pénalités, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a appliqué des pénalités de 40 % au titre de l'impôt sur les sociétés pour 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour 2012 et une partie de 2013 au motif que la part des achats comptabilisés par l'entreprise au sein de la comptabilité ne représente qu'environ un tiers des achats réellement effectués par elle en 2012 et 2013 et que les minorations des recettes représentent une partie importante du chiffre d'affaires et revêtent un caractère répétitif sur les deux exercices vérifiés. Compte tenu de ces éléments, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'existence d'un manquement délibéré et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % en litige.
16. Par ailleurs, la société requérante conteste " les pénalités pour fraude " en faisant valoir que le nouveau gérant n'est pas impliqué par les faits dénoncés par l'administration fiscale. Il résulte de l'instruction que concernant les pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, qui ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration, ces manoeuvres n'ont été retenues que pour la partie des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2013 concernant le rehaussement volontaire de certaines factures. En se fondant sur la dissimulation de factures de prestations non comptabilisées, émises puis effacées du logiciel de facturation, d'un montant total de 104 139,30 euros TTC et décelées par le service dans le cadre de l'instruction d'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de l'un des clients de l'EURL Home Classic, le service vérificateur a suffisamment établi une intention d'égarer l'administration de la part de la société requérante. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que la société appelante a eu recours, sur ce point, à des actes de nature à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle.
17. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Home Classic n'est pas fondée à demander la décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au versement de frais liés au litige ne peuvent être que rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1506607 du 7 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'EURL Home Classic devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Home Classic et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
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N° 17MA01302