Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 janvier 2016 et le 27 février 2017, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2014 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le signataire de la décision portant refus de séjour est titulaire d'une délégation de signature trop générale ;
- les dispositions du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 visées dans cette délégation ont été abrogées ;
- le préfet n'a pas examiné son admission au séjour au regard de son état de santé alors que c'était le fondement de sa demande ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée du même vice d'incompétence que la décision portant refus de séjour ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen complet ;
- la décision attaquée méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été sollicité ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 16 février 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme C....
Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix
- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant Mme C....
1. Considérant que Mme C..., de nationalité algérienne, demande à la Cour d'annuler le jugement du 28 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel avait reçu, par arrêté n° 2014-I-1341 du 31 juillet 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, délégation du préfet de l'Hérault à fin de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) " ; que les décisions relatives aux attributions de l'Etat dans le département comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que, par ailleurs, la circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 relatives à la réquisition des comptables publics ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressée peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; que Mme C..., même si elle produit une lettre du 20 juin 2014 des services de la préfecture de l'Hérault l'invitant à produire des pièces d'ordre médical, n'établit pas avoir sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé alors qu'il résulte des écritures de première instance du préfet qu'elle avait seulement joint à sa demande de titre de séjour formée au titre de la vie familiale un compte rendu de radio et un certificat médical et qu'elle ne démontre ni même ne soutient avoir donné suite à la lettre du 20 juin 2014 et avoir permis au préfet d'instruire sa demande dans les formes prévues par l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif notamment à l'application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en ne se prononçant pas sur la délivrance d'un titre de séjour à ce titre et en ne saisissant pas le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de l'Hérault aurait entaché d'illégalité sa décision ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que le préfet s'est livré à un examen complet de la situation de Mme C... ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que Mme C..., entrée en France le 13 avril 2009, n'établit pas y résider habituellement depuis cette date et notamment au cours du premier semestre de l'année 2010, de juin à octobre 2011 et d'avril à novembre 2014 ; que, même si plusieurs de ses enfants résident régulièrement en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de soixante ans et où résident trois autres de ses enfants ; qu'elle n'établit pas davantage que sa présence serait indispensable aux côtés de son époux malade qui est hébergé par l'un de ses fils et pris en charge financièrement par ce dernier ; que la circonstance que son époux a été mis en possession d'un certificat de résidence est postérieure à la date de la décision attaquée du 10 novembre 2014 ; qu'en conséquence, le préfet de l'Hérault, en refusant son admission au séjour, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris et n'a, par suite, méconnu ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision du préfet n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision :
6. Considérant que pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 2, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que le préfet s'est livré à un examen complet de la situation de la requérante ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
8. Considérant que, comme il a été dit au point 3, Mme C... n'établit pas qu'elle aurait sollicité son admission au séjour au regard de son état de santé sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre ; qu'elle n'établit pas davantage que son état de santé ferait obstacle à la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet ;
9. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5 du présent arrêt ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copies en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
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N° 16MA00274