Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 décembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 4 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 1 500 euros à Me D..., qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'administration a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en n'examinant pas sérieusement sa demande de titre de séjour ;
- le refus de séjour ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de son enfant, en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- cette décision porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a apprécié de façon manifestement erronée la gravité des conséquences de cette décision ;
- la décision fixant l'Arménie comme pays de renvoi est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 29 décembre 2015, et non du 7 janvier 2016 comme l'intéressé le mentionne par erreur, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. B..., de nationalité arménienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2015 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. B... relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que dès lors qu'un refus d'admission au séjour n'emporte pas, par lui-même, retour de l'étranger dans son pays d'origine, le préfet n'était pas tenu d'examiner la situation de M. B... au regard des stipulations de l'article 33 de la Convention de Genève interdisant l'expulsion et le refoulement d'un réfugié, au demeurant inapplicables en l'espèce ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, doivent être écartés les moyens, qui reposent sur ces seules circonstances, tirés d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
4. Considérant que M. B... déclare être entré en France le 29 août 2011 accompagné de sa fille alors âgée de dix ans, après le décès brutal de son épouse en Arménie le 30 avril 2011 ; que l'enfant suit sérieusement une scolarité en France depuis le mois de septembre 2011, soit moins de quatre ans à la date de la décision contestée ; qu'alors que M. B..., qui invoque sa fragilité psychologique, n'établit, en tout état de cause, ni que sa femme aurait été assassinée, ni qu'il serait recherché dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa fille, quand bien même elle serait soutenue au quotidien en France par son oncle et sa tante, ne pourrait pas poursuivre son cursus scolaire en Arménie ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut être accueilli ;
5. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. B..., né le 9 mars 1973, séjourne sur le territoire français depuis le mois d'août 2011 avec sa fille ; que, s'il indique qu'ils sont " la plupart du temps " hébergé par son frère et sa belle-soeur depuis leur arrivée en France, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches en Arménie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; qu'il n'est en tout état de cause pas établi que le requérant ne pourrait recevoir dans son pays d'origine les soins adaptés à son état de santé ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. B..., le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour ; qu'ainsi, l'appelant ne peut se prévaloir de la violation ni des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le refus de séjour n'est pas entaché d'illégalité ; que l'obligation de quitter le territoire français n'est donc pas privée de base légale ;
8. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'en ce qui concerne le refus de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la situation personnelle et familiale précédemment exposée de M. B..., le préfet aurait apprécié de façon manifestement erronée la gravité des conséquences de la décision en litige ;
Sur la légalité de la décision désignant l'Arménie comme pays de renvoi :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que ces dispositions et stipulations combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
11. Considérant que la demande d'asile de M. B... a été rejetée le 26 juin 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 27 mai 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, comme il a déjà été dit, l'intéressé ne démontre dans l'instance, par un récit insuffisamment circonstancié, ni que son épouse aurait été assassinée, ni qu'il serait recherché dans son pays d'origine ; qu'il ne démontre pas davantage qu'il aurait des origines azéries pour être né d'un couple mixte, et, que, pour ce motif, il aurait subi en Arménie des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
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N° 16MA00547