Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2017, la SARL Electro Clim, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 janvier 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale n'établit pas qu'il était manifeste que ses fournisseurs n'étaient pas autorisés à revendiquer la qualité d'assujetti-vendeur ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que les sociétés acheteuses ne pouvaient ignorer le régime initial au regard de la taxe sur la valeur ajoutée des véhicules acquis qui suppose un élément supplémentaire tel qu'un dirigeant commun avec les fournisseurs, qui fait défaut en l'espèce ;
- les arguments factuels soutenus par le service dans la proposition de rectification sont erronés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de la société Electro Clim n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Considérant que la SARL Electro Clim, qui a pour activité prépondérante le négoce intracommunautaire de véhicules automobiles neufs ou d'occasion sur un site internet dénommé " Eurocarline ", a fait l'objet, au cours de la période du 19 juin 2013 au 19 février 2014, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et a adressé à la société, en conséquence, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, majorés des intérêts de retard et de pénalités de 40 % pour manquement délibéré. La SARL Electro Clim relève appel du jugement du 3 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre de la période dont s'agit.
2. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 (...) ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu. ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge.
4. D'autre part, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge, il incombe à l'administration fiscale, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients.
5. Il résulte de l'instruction que la SARL Electro clim a acquis vingt véhicules d'occasion en provenance de Roumanie et que son fournisseur, la société Develin SRL établissait des factures mentionnant l'application du régime de la marge, en référence à l'article 313 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006. Dans sa proposition de rectification en date du 31 mars 2014, l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de la marge par la société appelante aux reventes de véhicules automobiles qu'elle a acquis auprès de la société roumaine au motif que les mentions portées sur les factures d'achat de la société contribuable sont erronées, et que cette dernière ne pouvait ignorer que son fournisseur avait la qualité d'assujetti revendeur au sens des dispositions de l'article 256 bis du code général des impôts. L'administration fiscale a relevé que dans le dossier de chaque véhicule figurent l'origine et l'identité des anciens propriétaires, soit des sociétés allemandes, italiennes et belges et que l'examen des cartes d'immatriculation établit que ces véhicules ont fait l'objet d'une première immatriculation par ces sociétés, lesquelles ont ainsi récupéré de la taxe sur la valeur ajoutée déductible lors de l'acquisition des véhicules. Le service a également constaté que chaque véhicule avait été directement livré sur le sol français aux clients via différentes sociétés de transport ou de convoyage de véhicules, dont les frais ont été pris en charge par la SARL Electro Clim. Dans le cadre de la procédure d'assistance administrative internationale, les autorités fiscales roumaines ont indiqué à l'administration fiscale que la société Develin SRL était intermédiaire dans la vente de véhicules d'occasion, achetés auprès de plusieurs fournisseurs en Allemagne et revendus à des clients français, qu'elle n'avait pas d'actifs immobilisés ni d'espace de stockage et de travail acheté ou loué, qu'elle avait un seul employé responsable de la comptabilité et que l'adresse de la société était une adresse de domiciliation, corroborant la circonstance que le transport ou le convoyage des véhicules n'a pu être effectué que depuis leur lieu de provenance. A l'issue de ses investigations, l'administration fiscale a relevé que les opérations d'achat revente concernaient des véhicules acquis à l'état neuf par des assujettis bénéficiant d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Ces véhicules étaient revendus ultérieurement uniquement à des acheteurs revendeurs bénéficiant d'un droit à déduction et faisaient ensuite l'objet d'une vente sous le régime de la marge par des professionnels n'ayant jamais eu la possession physique des véhicules. Dans la mesure où la société requérante ne pouvait ignorer que les véhicules d'occasion avaient ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont dans d'autres Etats membres de l'Union Européenne, elle ne pouvait appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge lors de la revente en France de ces véhicules.
6. La société requérante ne peut utilement soutenir que les mentions portées sur les cartes grises ne sont opérantes que dans la mesure où existe un dirigeant commun alors qu'elle ne combat pas sérieusement les autres indices précis et concordants réunis par l'administration fiscale quant au convoyage des véhicules directement auprès des fournisseurs et quant au simple rôle de facturière de la société Develin. Ces différents éléments ont été corroborés par les déclarations de M. B... A..., gérant de la société, lors du débat oral et contradictoire. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme démontrant que les mentions portées sur les factures émises par la société roumaine en lien d'affaires avec la société requérante étaient erronées dès lors que lesdites factures ne pouvaient faire application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Par ailleurs, alors que les pratiques frauduleuses triangulaires sur la taxe sur la valeur ajoutée à la marge sont désormais bien connues des professionnels du commerce automobile, l'administration fiscale relève que le fils du gérant, M. A..., a été précédemment gérant de deux sociétés exerçant la même activité et a été condamné à sept ans d'interdiction de gérer toute affaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse en date du 10 mai 2012 pour des faits similaires. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la SARL Electro Clim ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable. Il en résulte que l'administration était fondée à remettre en cause l'application par la SARL Electro Clim du régime de taxation sur la marge prévue par l'article 297 A du code général des impôts.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Electro Clim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation de frais liés au litige ne peuvent être que rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Electro Clim est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Electro Clim et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2019.
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N° 17MA00915