Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 novembre 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2015 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2015 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, dès notification de la décision, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me B... qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- il en est de même de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il peut se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par lettre du 24 octobre 2016, la Cour a informé les parties qu'elle était susceptible, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de fonder sa décision sur les moyens d'ordre public tirés, d'une part, de la méconnaissance du champ d'application de la loi, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'il concerne le droit au séjour sur le fondement du travail, ne s'appliquant pas aux ressortissants tunisiens et, d'autre part, de ce que le pouvoir discrétionnaire de régularisation dont dispose le préfet des Alpes-Maritimes doit être substitué à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme base légale du refus d'admission exceptionnelle au séjour opposé à M. A... en qualité de salarié.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Paix.
1. Considérant que M. A..., ressortissant tunisien entré en France en 2002, demande à la Cour d'annuler le jugement du 23 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Tunisie ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que, pas davantage en appel que devant les premiers juges, M. A..., qui est célibataire et sans charges de famille et dont les parents résident en Tunisie ainsi que ses frères et soeurs, n'établit les liens privés et personnels qui le rattacheraient à la France, ceux-ci ne pouvant se déduire de la seule circonstance qu'il est présent sur le territoire depuis l'année 2002 et qu'il y travaille ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté le moyen tiré par l'intéressé de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
5. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 précité n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien régit les règles de délivrance des titres de séjour pour une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour à raison d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 au sens de l'article 11 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait légalement examiner et rejeter la demande de M. A... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-14 susmentionné au titre d'une activité salariée ; que, toutefois, il est possible de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant que, si M. A... produit de nombreux bulletins de salaire et des promesses d'embauche, aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ne justifiait que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire en qualité de salarié ; que, dans ces conditions, et alors que M. A... a aussi reconnu avoir utilisé une carte de résident, une carte nationale d'identité française et une carte vitale, toutes contrefaites afin de se maintenir en France, d'y obtenir des droits et d'y travailler, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant d'user du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la circulaire du 28 novembre 2012 n'ayant aucun caractère règlementaire, elle ne peut être utilement invoquée au soutien de la demande d'annulation de l'arrêté litigieux ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15MA04327