Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 22 décembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte, passé ce délai, de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, s'agissant de la décision portant refus de séjour, que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée alors qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste au regard du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il soutient, s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- la décision est insuffisamment motivée, également au regard du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ;
- l'illégalité de la décision portant refus de séjour prive de base légale la décision litigieuse ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Markarian.
1. Considérant que M. A..., né le 8 juillet 1986, de nationalité tunisienne, a sollicité, le 1er juillet 2013, un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ; que par un arrêté en date du 5 septembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que M. A... relève appel du jugement du 22 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision portant refus du titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige mentionne les textes applicables ainsi que les éléments de fait propres à la situation du requérant, notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France ; que cet arrêté fait également état de ce que les documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour et l'enquête de communauté de vie diligentée par les services de police le 2 juillet 2014 ne justifient pas de l'existence de la communauté de vie avec son épouse de nationalité française ; que cet arrêté indique enfin que l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie et que la décision n'est pas, par suite, contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a, par suite, suffisamment motivé, en fait et en droit, sa décision ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français :a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français(...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié, en France, le 24 mars 2012 avec une ressortissante française et a sollicité le 1er juillet 2013 un titre de séjour en qualité de conjoint de français ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande au motif que la communauté de vie entre les époux n'était pas avérée, compte tenu des résultats de l'enquête de police, selon laquelle l'épouse du requérant réside avec ses trois enfants à Marseille et a déclaré voir son époux occasionnellement, alors que le requérant réside avec son frère à Aix-en-Provence ; que si le requérant, qui ne conteste pas ne pas résider avec son épouse, se prévaut des dispositions de l'article 108 du code civil, qui dispose que les époux peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles de la communauté de vie, il n'établit pas toutefois les nécessités géographiques et professionnelles justifiant cette séparation, dès lors qu'il travaille en intérim dans le bâtiment et que son épouse est sans emploi ; que s'il invoque également des difficultés relationnelles avec l'aîné des trois enfants de son épouse, qui justifieraient cette résidence séparée, il ne produit pour autant aucune pièce attestant du caractère effectif de la communauté de vie avec son épouse hormis des attestations de proches qui ne sont confortées par aucun élément du dossier ; qu'au terme d'une enquête de police, effectuée après trois relances de l'intéressé, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par conséquent, pu estimer, sans renverser la charge de la preuve, et en dépit de l'erreur de plume, indiquant que M. A... serait entré en France en avril 2013, indiquer que le requérant ne justifiait d'aucune communauté de vie avec son épouse de nationalité française, et a pu à bon droit rejeter sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français sans porter une quelconque atteinte, comme le soutient le requérant, à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à la déclaration universelle des droits ou à l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a rejeté l'argumentation de M. A... sur ce point ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
6. Considérant que si M. A... soutient être entré en France en 2010, être reparti ensuite en Tunisie afin d'obtenir un visa de conjoint de français et être revenu en France en septembre 2012, il ne justifie pas pour autant de la réalité des liens avec son épouse ; que s'il fait état de la présence en France de son père et d'un frère, le requérant dont le séjour en France est très récent, conserve ses attaches familiales en Tunisie et ne justifie pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux alors même qu'il aurait un emploi, ni justifier de son intégration dans la société française eu égard notamment au caractère récent de son arrivée en France ; que d'ailleurs, les services de police ont notamment indiqué, dans leur rapport du 2 juillet 2014, que l'épouse du requérant lui servait d'interprète ; que, dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a méconnu ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-tunisien modifié, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'à la date de l'arrêté litigieux, M. A... se trouvait dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; que, dès lors que le refus de titre de séjour opposé à M. A... comportait les éléments de droit et de fait sur lesquels il était fondé et était, par suite, suffisamment motivé et que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est expressément visé dans l'arrêté litigieux, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'appelait pas d'autre mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation posée par le I de l'article L. 511-1 ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, notamment au regard des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
11. Considérant, en dernier lieu, que pour les motifs exposés précédemment, dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. " ;
13. Considérant que M. A... fait valoir que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas motivé le délai de trente jours accordé pour quitter le territoire français ; que, toutefois, la possibilité d'accorder un délai supérieur à trente jours relève d'un pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative ; que M. A... n'établit pas avoir présenté à l'autorité administrative une demande en faisant état de circonstances propres à sa situation personnelle de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que le requérant ne peut dès lors prétendre que le préfet des Bouches-du-Rhône se serait cru lié en fixant à trente jours le délai de départ volontaire et que la motivation de cette décision serait stéréotypée ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré à l'issue de l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 15MA00282 2