Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018 sous le n° 18MA02789, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce, dans ce cas, à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L 313-14 et L 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa situation sociale, personnelle et professionnelle depuis 2001 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018 sous le n° 18MA02793, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 26 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens énoncés dans sa requête présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans chaque affaire par décisions du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique les rapports de M. Haïli.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n°18MA02789 et n°18MA02793, présentées pour M. C..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
2. M. C..., ressortissant marocain, a bénéficié d'une carte de séjour de trois ans, portant la mention " travailleur saisonnier ", valable du 27 février 2014 au 26 février 2017. Entré en France, pour la dernière fois, le 21 février 2017, il a sollicité, le 23 mars 2017, son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que des dispositions de l'article L. 313-11 7° et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juin 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le requérant demande à la Cour, par sa requête enregistrée sous le n° 18MA02789, d'annuler le jugement du 26 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il demande le sursis à exécution du même jugement par sa requête enregistrée sous le n° 18MA02793.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 18MA02789 :
3. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''(...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée . Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. M. C... fait valoir qu'il est titulaire de contrats de travailleur saisonnier depuis 2001 et que des contrats ont été prolongés à une reprise au delà de la limite de six mois au cours de l'année 2007. Toutefois, cette circonstance, eu égard à l'ancienneté de cette dérogation, ne saurait constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire. En outre, le requérant ne peut être réputé avoir occupé un emploi permanent, ni avoir séjourné tous les ans principalement en France. Dans ces conditions, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ni aucune erreur de droit en refusant d'user du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose et de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. M. C..., âgé de trente-cinq ans à la date de la décision attaquée, ne conteste pas avoir regagné son pays d'origine au terme de chacun de ses contrats saisonniers. Il ne se prévaut d'aucune présence familiale sur le territoire français alors que son épouse et son enfant né en 2014 résident au Maroc. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions de séjour en France de l'appelant, l'arrêté attaqué, ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, par suite, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle et sociale de l'intéressé.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 18MA02793 :
9. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille, la requête n° 18MA02793 tendant au sursis à exécution de ce jugement est devenue sans objet.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. C... dans la requête n° 18MA02793.
Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 18MA02789 de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 novembre 2018.
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N° 18MA02789, 18MA02793