Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2015, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 31 mars 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2014 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de renvoyer le dossier devant le tribunal administratif de Montpellier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... soutient que :
- les moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sauraient être considérés comme inopérants de sorte que c'est à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté par simple ordonnance sa requête ;
- le premier juge a refusé à tort d'examiner les moyens tirés de la violation des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au seul motif tiré du rejet de sa demande d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en considération les pathologies dont elle souffre ;
- la décision contrevient aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'annulation de la décision de refus de séjour doit entraîner celle de l'obligation de quitter le territoire ;
- la décision méconnaît le droit d'être entendu tel que garanti par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet devait saisir le médecin de l'agence régionale de santé ;
- la décision fixant la Russie comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2015, le préfet conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la décision du 24 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C....
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Sauveplane.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante russe d'origine tchétchène née en 1984, est entrée irrégulièrement en France en janvier 2011 accompagnée de ses trois filles mineures ; qu'elle a déposé une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile le 23 juillet 2012 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté le 24 septembre 2013 cette demande d'asile, rejet confirmé par arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 29 octobre 2014 ; que, par arrêté du 10 décembre 2014, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours ; que Mme C... relève appel de l'ordonnance du 31 mars 2015 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2014 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) " ;
3. Considérant que, pour rejeter la requête de Mme C... sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé notamment sur la circonstance que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne était inopérant ; que, toutefois, ce moyen, qui était assorti de faits susceptibles de venir à son soutien, n'était ni inopérant ni irrecevable ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme C... ; que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait donc rejeter la demande de l'intéressée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant qu'en l'espèce, il ne résulte pas des pièces du dossier que les trois enfants mineursD... C..., nés en 2000, 2003 et 2008, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Russie ; que le refus d'admission n'a pas davantage effet de séparer ces enfants de leur mère ; que les risques d'enlèvements allégués ne sont nullement établis ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
7. Considérant, en second lieu, que Mme C... soutient qu'en ne prenant pas en considération son état de très grande fragilité psychologique et les pathologies dont elle souffre et qu'elle a exposées lors de sa demande d'asile, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ; que, toutefois, les seules attestations manuscrites de Mme C... décrivant son parcours et que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que la Cour nationale du droit d'asile ont estimées dépourvues de crédibilité ne peuvent permettre de regarder la décision de refus de titre de séjour comme entachée d'une telle erreur ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que le refus de titre de séjour opposé à Mme C... n'est pas illégal ; que, dès lors, le moyen par lequel la requérante soutient que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale dès lors que la décision lui refusant le séjour sur laquelle elle est fondée est entachée d'illégalité ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant que, par son arrêt du 11 décembre 2014 rendu dans l'affaire C-249/13, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il comprend, pour un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier, le droit d'exprimer, avant l'adoption d'une décision de retour le concernant, son point de vue sur la légalité de son séjour, sur l'éventuelle application des articles 5 et 6, paragraphes 2 à 5, de ladite directive ainsi que sur les modalités de son retour ; qu'en revanche, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115 et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il n'oblige l'autorité nationale compétente ni à prévenir ce ressortissant, préalablement à l'audition organisée en vue de ladite adoption, de ce qu'elle envisage d'adopter à son égard une décision de retour ni à lui communiquer les éléments sur lesquels elle entend fonder celle-ci ni à lui laisser un délai de réflexion avant de recueillir ses observations, dès lors que ledit ressortissant a la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier, en vertu du droit national, que cette autorité s'abstienne de prendre une décision de retour ;
10. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
11. Considérant qu'en l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français signifiée à Mme C... est fondée sur le refus d'admission au séjour en application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, cette dernière n'avait pas à être spécifiquement entendue pour présenter ses observations écrites et orales ; qu'ainsi, le moyen tiré par Mme C... de ce que l'obligation de quitter le territoire français aurait été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations écrites et orales, tel que cela est prévu à l'article 6 de la directive 2008/115/CE ainsi qu'à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, doit être écarté ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
13. Considérant que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interdit de prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine ; qu'il est, par ailleurs, précisé à l'article R. 511-1 du même code que cet état de santé est constaté dans les mêmes conditions que celles prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; que cet article renvoie à un avis émis par le médecin inspecteur de santé publique rendu au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressée ; qu'il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 doit saisir préalablement à sa décision le médecin inspecteur de la santé publique pour avis dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 du même code ;
14. Considérant que les pièces versées au dossier font état d'une " sténose pulmonaire sévère " ; que le certificat médical du 2 juin 2014 fait état d'un traitement suivi qui nécessite désormais un contrôle cardiologique annuel ; que le certificat médical du 15 janvier 2015 fait état d'un trouble axio-dépressif dans un contexte de stress post-traumatique ; que, toutefois, le préfet des Pyrénées-Orientales soutient, sans être contredit, que Mme C... n'a jamais fait état durant l'instruction de sa demande d'asile de son dossier médical ni déposé de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'ainsi, l'administration ne peut être regardée comme ayant disposé d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant que Mme C... était susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu s'abstenir de saisir le médecin de l'agence régionale de santé sans entacher d'illégalité sa décision ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier article stipulant que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments ;
16. Considérant que, pour établir les risques contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme C... soutient, à l'aide d'attestations manuscrites décrivant son parcours et d'articles de journaux faisant état des pratiques ancestrales en cours en Tchétchénie, qu'elle ne peut revenir dans son pays d'origine où elle a été victime de menaces de mort de la part de son mari ; que, toutefois, tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont estimé peu crédibles ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de s'écarter de cette appréciation ; que, de surcroît, Mme C... ayant la nationalité russe, elle ne sera pas reconduite en Tchétchénie mais à destination de la Russie ; qu'il lui est loisible de fixer son domicile sur l'ensemble du territoire de la fédération de Russie ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2014 du préfet des Pyrénées-Orientales ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1500377 du 31 mars 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2016.
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N° 15MA01851