Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 mars 2015, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 6 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me B..., la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- elle justifie de son droit au séjour au titre de sa vie privée et familiale en France au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les motifs du jugement sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; le préfet dispose en tout état de cause d'un large pouvoir d'appréciation ;
- le préfet doit être regardé, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, comme ayant été saisi d'une demande d'autorisation de travail au sens des dispositions du code du travail et des stipulations de l'accord franco-tunisien, dont elle est fondée à invoquer la méconnaissance ; un ressortissant tunisien déjà présent sur le sol français est recevable à déposer une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " sur place, sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien en joignant une demande d'autorisation de travail préparée par un futur employeur ; la délivrance de l'autorisation de travail pour un étranger établi en France doit être le fait du préfet, autorité compétente pour délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ou d'un fonctionnaire du ministère du travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le signataire de la décision litigieuse disposait d'une délégation régulière ;
- la demande de la requérante a fait l'objet d'un examen particulier ;
- elle ne remplit pas les conditions réglementaires pour se voir octroyer un titre de séjour et ne dispose pas d'un visa de long séjour ;
- elle ne justifie pas d'une ancienneté de séjour et réside chez son père ; elle est célibataire et sans enfant ;
- s'agissant de la demande de titre de séjour en qualité de salarié, la décision litigieuse a été prise sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et n'est entachée d'aucune erreur de droit.
Par une décision du 3 février 2015, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
-l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Markarian.
1. Considérant que MmeC..., de nationalité tunisienne, a présenté, le 27 février 2014, une demande de titre de séjour au titre de la " vie privée et familiale " ; que cette demande a été rejetée le 3 mars 2014 par le préfet des Bouches-du-Rhône ; que Mme C... relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjours autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " et qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ;
3. Considérant que le bénéfice de l'article 3 de l'accord franco-tunisien demeure conditionné à la présentation d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que si la requérante a bien produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une demande d'autorisation de travail pour un emploi de secrétaire établie sur l'imprimé réglementaire Cerfa, qu'il appartenait au préfet des Bouches-du-Rhône de transmettre pour instruction au service du travail compétent, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet des Bouches-du-Rhône a également refusé l'admission au séjour en qualité de salarié de Mme C... au motif qu'elle n'était pas titulaire d'un visa de long séjour exigible en vertu de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et applicable aux ressortissants tunisiens en application de l'article 11 précité de l'accord franco-tunisien ; que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait ainsi pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de l'absence de visa de long séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du code du travail ne saurait justifier l'annulation de la décision litigieuse ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que Mme C..., qui est née le 1er avril 1988, est entrée en France, selon ses déclarations, le 25 octobre 2012 et n'a présenté une première demande de titre de séjour que le 27 février 2014 ; qu'ainsi que le relève la requérante elle-même, elle résidait en France depuis seulement un an et demi à la date de la décision litigieuse ; qu'elle est célibataire et sans enfant ; que si ses parents résident régulièrement en France avec ses deux plus jeunes soeurs, elle conserve en Tunisie, où elle avait vécu jusqu'alors, des liens familiaux proches avec au moins la présence d'une soeur ; qu'alors même qu'elle aurait adhéré à une association qui dispense des cours d'alphabétisation, elle ne justifie pas d'une intégration professionnelle en France eu égard notamment au caractère très récent de son séjour en France ; que, compte tenu de ce caractère récent de son séjour en France et des liens qu'elle conserve en Tunisie, la décision litigieuse ne peut être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et comme contrevenant aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré à l'issue de l'audience du 4 février 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
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N° 15MA01079 2