Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2015 du préfet de l'Hérault ;
3°) à titre principal, d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner au préfet de l'Hérault de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me B... qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée de défaut d'examen particulier des circonstances, moyen auquel le premier juge n'a pas répondu ;
- le préfet de l'Hérault s'est estimé à tort lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- le refus de titre de séjour porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale tel que protégé par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, le préfet de l'Hérault devant recueillir l'avis du médecin inspecteur de la santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale eu égard à l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été procédé à l'examen de la possibilité de lui accorder un titre de séjour sur un autre fondement que celui de l'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, aucun examen particulier n'ayant été effectué postérieurement au rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. C....
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant M. C....
1. Considérant que M. C..., de nationalité russe, relève appel du jugement du 5 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée " À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ;
3. Considérant que lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir ; qu'il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ;
4. Considérant que M. C... produit un certificat médical du 15 mai 2014, établi par un médecin psychiatre attaché au centre hospitalier de Montpellier, indiquant qu'il souffre d'un syndrome psychotraumatique évalué comme sévère ; que ce document indique que le patient est suivi par une psychothérapie spécifique, pratiquée uniquement dans des centres spécialisés n'existant pas dans son pays d'origine, laquelle lui est absolument indispensable et qu'un arrêt de la prise en charge exposerait M. C... à des conséquences vitales ; que, dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que le préfet, qui ne soutient pas avoir saisi le médecin inspecteur de la santé publique de son dossier médical avant l'intervention de sa décision du 14 janvier 2015, aurait dû recueillir l'avis de ce praticien et à demander, du fait de cette irrégularité de procédure, l'annulation de la décision de refus de séjour qui lui a été opposée le 14 janvier 2015 ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
5. Considérant que, compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour opposée à M. C..., les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, privées de base légale, ne peuvent qu'être annulées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2015 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions de M. C... aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant que le présent arrêt, qui se fonde sur l'état de santé de M. C..., n'implique pas nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " mais implique seulement que le préfet procède à un nouvel examen de la demande de régularisation de la situation du requérant en prenant en considération les évolutions les plus récentes de son état de santé et de l'offre de soins dans son pays d'origine dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la contribution allouée au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2015 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 14 janvier 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C..., après saisine du médecin inspecteur de la santé publique, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
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N° 16MA00284