Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 décembre 2016 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour pendant ce réexamen, dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'avis d'audience du 12 septembre 2017 ne mentionne pas la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public ;
- l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ne pouvait être fondée sur le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal administratif de Marseille, qui a jugé selon le régime procédural fixé par le I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tout en estimant que l'arrêté du 20 décembre 2016 pouvait être pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, a entaché sa décision d'une contrariété de motifs ;
- le motif selon lequel il serait célibataire et sans enfant est erroné en fait ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;
- elle méconnaît également le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B..., identiques à ceux développés en première instance, ne sont pas fondés pour les motifs mentionnés dans son mémoire devant le tribunal administratif de Marseille.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né le 22 février 1993, fait appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de titre de séjour sur le fondement de l'asile, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3 ".
3. L'avis d'audience du 12 septembre 2017 a indiqué au mandataire de M. B... qu'il serait informé, en consultant l'application Sagace, dans un délai de l'ordre de deux jours avant l'audience, si le rapporteur public est dispensé de prononcer des conclusions pour les requêtes entrant dans le champ de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative dont le texte était reproduit. Le tribunal administratif n'a ainsi pas méconnu les dispositions précédemment citées qui ne font pas obligation, contrairement à ce que M. B... soutient, d'informer les parties, dès l'avis d'audience, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européenne ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne bénéficie d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) I bis. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine (...) ".
6. En premier lieu, M. B... a présenté une demande de reconnaissance du statut de réfugié qui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2015. En l'absence de tout recours devant la Cour nationale du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône a ainsi pris une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précédemment citées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir qu'en visant le 6° du I, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'une erreur de droit.
7. En outre, il ressort de la motivation de l'arrêté du 20 décembre 2016 que le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé qu'eu égard à la date d'entrée en France de M. B..., les décisions portant refus de titre de séjour sur le fondement de l'asile et obligation de quitter le territoire français prononcées à son encontre ne méconnaissaient pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Comme il lui était loisible de le faire, il a ainsi examiné d'office si M. B... pouvait prétendre à un titre de séjour le fondement d'une autre disposition applicable. La circonstance qu'il n'ait pas visé le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a ainsi pas été susceptible, en elle-même, de priver l'arrêté contesté de base légale ou de l'entacher d'une erreur de droit.
8. En deuxième lieu, la circonstance qu'en application de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile précédemment visée, le préfet puisse prononcer une mesure d'éloignement à la suite d'un refus de reconnaissance du statut de réfugié sans l'assortir d'une décision de refus de titre de séjour sur le fondement de l'asile ne fait pas obstacle à ce qu'il prenne cependant une telle décision de refus. Lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment à une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre cette obligation, cette contestation suit le régime contentieux applicable à cette dernière décision. Dès lors, les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile résultant de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France précédemment visée sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées au juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour. Par suite, c'est à bon droit que le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué à M. B... qu'il disposait d'un délai de quinze jours pour saisir le tribunal administratif de Marseille d'un recours contentieux.
9. Les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ne font pas obstacle à ce que le tribunal, s'il l'estime utile, statue dans une formation collégiale avec un rapporteur public. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait utilisé la procédure prévue au I de l'article L. 512-1 du même code et que le jugement attaqué, qui a estimé que l'attaqué contesté pouvait être fondé sur le 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, serait ainsi contradictoire ne peut qu'être écarté.
10. En troisième lieu, si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Le droit d'être entendu implique que l'autorité administrative, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
11. En l'espèce, M. B... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la suite de la décision de refus de reconnaissance du statut de réfugié prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devenue définitive, il a été empêché de porter à la connaissance du préfet des Bouches-du-Rhône les informations tenant aux changements de sa situation familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
12. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur matérielle dont est entaché le motif de l'arrêté du 20 décembre 2016 selon lequel M. B... serait célibataire et sans enfant doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué. En outre, ceux-ci ont pu rappeler à titre purement subsidiaire que M. B... n'avait pas indiqué au préfet des Bouches-du-Rhône les changements de sa situation familiale intervenus avant la signature de l'arrêté.
13. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 et 10 du jugement attaqué.
14. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
15. En l'espèce, la fille de M. B..., née le 6 juin 2016, est âgée de six mois à la date de l'arrêté contesté. La vie familiale peut se reconstituer en Turquie, pays d'origine de M. B... et de son épouse, compatriote en situation régulière avec laquelle il s'est marié le 27 novembre 2015. Par suite, les dispositions précédemment citées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne sont pas méconnues.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, le présent arrêt n'impliquant nécessairement aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées à titre principal et à titre subsidiaire par M. B... doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de M. B... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. C..., président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2019.
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N° 18MA01083
mtr