Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 21 novembre 2017 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de huit jours ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours ;
5°) " dans l'attente ", de délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter du présent arrêt ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il a demandé l'asile en France, contrairement à ce qu'indique le jugement attaqué ;
- dès lors que l'Espagne a accepté sa reprise en charge pour l'examen de sa demande d'asile, le préfet de l'Hérault pouvait seulement prendre une décision de transfert et non pas une décision de remise sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du préfet de l'Hérault est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant syrien né le 1er août 1984, fait appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2017 du préfet de l'Hérault décidant sa remise aux autorités espagnoles.
Sur la régularité du jugement :
2. Le magistrat désigné a indiqué, par erreur, que M. C... n'avait pas déposé de demande d'asile en France. Cependant, en l'absence de contradiction entre les motifs du jugement et son dispositif, cette erreur est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, le préfet de l'Hérault a notamment visé dans l'arrêté contesté l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a indiqué les conditions du séjour en France de M. C..., notamment sa vie familiale avec la présence de trois enfants âgés de huit ans, quatre ans et six mois, ainsi que le fait qu'il bénéficie d'un titre de séjour en Espagne. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire d'apporter d'autres précisions sur la structure familiale et la scolarité des enfants, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211- et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 (...) ". L'article L. 531-2 du même code dispose que : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que les autorités espagnoles ont accordé une protection au titre de l'asile à M. C... qui, ainsi, dispose en Espagne d'un droit au séjour valable du 8 janvier 2015 au 20 novembre 2019 et que la demande d'asile qu'il a présentée en France a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile le 29 juin 2016 et le 10 octobre 2017 au motif qu'il bénéficie d'une telle protection effective dans un Etat membre de l'Union européenne. Par suite, en l'absence de demande d'asile que l'Espagne devrait examiner, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait faire l'objet d'une procédure de transfert vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile et que les dispositions précédemment citées, qui n'excluent pas les ressortissants étrangers dont la demande d'asile a été rejetée en France, ne lui seraient pas applicables.
6. En troisième lieu, la circonstance que le magistrat désigné ait indiqué, par erreur, que M. C... n'avait pas déposé de demande d'asile en France, est par elle-même sans incidence sur le bien-fondé du jugement dès lors que, comme le relève d'ailleurs le jugement attaqué, le requérant dispose d'un droit au séjour en Espagne et les dispositions précédemment citées sont applicables.
7. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté du préfet de l'Hérault sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné au point 5 du jugement attaqué.
8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Les enfants de M. C... sont âgés de huit ans, quatre ans et six mois à la date de l'arrêté du préfet de l'Hérault, la fille aînée étant scolarisée. Cependant, la présence habituelle en France de M. C..., de son épouse elle-même en situation irrégulière, et de leurs enfants, n'est pas établie avant le mois d'avril 2015 et est donc inférieure à trois ans. La vie familiale pouvant se reconstituer en Espagne, l'arrêté contesté ne méconnaît donc pas les stipulations précédemment citées de la convention du 26 janvier 1990.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2017 du préfet de l'Hérault décidant sa remise aux autorités espagnoles.
11. Le présent arrêt n'impliquant nécessairement aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées à titre principal et à titre subsidiaire par M. C... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de M. C... au titre des frais non compris dans les dépens que celui-ci aurait pu exposer s'il n'avait pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. D..., président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2019.
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N° 18MA01652
nc