Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2020, M. A... B..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 avril 2019, et le rejet implicite de son recours gracieux;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en faveur de son conseil, la somme de 2 000 euros sur les fondements de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le préfet n'ayant pas saisi la commission du titre de séjour, le refus contesté est entaché d'un vice de procédure, alors qu'il a sollicité son admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions énoncées par 1'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il justifie de sa présence continue en France depuis 2002 ;
- la décision préfectorale contestée viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de sa présence de manière continue en France depuis 2006 au travers des très nombreux documents qu'il produit ;
- il établit la pérennité de sa présence en France, et l'existence de liens personnels et professionnels tissés depuis 10 ans sur le territoire et son intégration dans la société française, ces éléments étant de nature à constituer des motifs exceptionnels au sens de ces dispositions ;
- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens du requérant sont infondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ury.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, né le 16 octobre 1973, relève appel du jugement du 4 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête contre l'arrêté du 9 avril 2019 du préfet de l'Hérault lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Si M. B... soutient être entré en France en 2005 ou en 2006, sans pouvoir le justifier, il est, en tout état de cause constant qu'il a été interpelé le 4 mai 2009 sur le territoire français, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 5 mai suivant, puis a été mis en possession, en dépit de cet arrêté, d'autorisations provisoires de séjour pour les besoins d'une enquête judicaire et a, de nouveau, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 13 janvier 2011 qu'il n'a pas exécutée, déposant une demande de titre de séjour le
17 août 2012, laquelle a été rejetée par un arrêté du 17 septembre 2012, de nouveau, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel, que le maintien continu de l'intéressé sur le territoire français, en dépit de cette obligation, jusqu'au 21 mars 2019, date à laquelle il a, de nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour, peut être tenu pour établi. Par ailleurs, depuis au moins le 3 juillet 2017, date du certificat de reconnaissance prénatale, M. B... vit maritalement avec une compatriote disposant d'un titre de séjour valable jusqu'en 2024, et de cette union est né un enfant le 13 février 2018. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que M. B... est très proche de sa sœur et de la famille de cette dernière, de nationalité française. Ainsi, et alors que le préfet ne soutient pas que la présence en France de M. B... représenterait un trouble pour l'ordre public, l'arrêté attaqué doit être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault. Il n'y a pas lieu par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner d'autres moyens. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 octobre 2019 ainsi que l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 avril 2019 doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard aux motifs pour lesquelles elle est prononcée, et en l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de fait qui serait intervenu depuis la date de l'arrêté attaqué, l'annulation de cet arrêté implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mazas, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de
2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 octobre 2019 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 avril 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.
Article 3 : L'Etat versera à Me Mazas une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de l'Hérault, à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
N° 20MA010562