Par un jugement n° 1806097 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me C... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 4 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé à M. D..., ressortissant tunisien né en 1986, la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Marseille a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, sur celles tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, est intervenu sur une procédure irrégulière et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.
3. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a statué sur la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, M. B..., signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait, en sa qualité d'adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône, par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 février 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 13-2018-051, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions portant refus d'admission au séjour.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Si M. D... justifie par les pièces produites qu'il réside en France depuis 2013, et que ses parents ainsi que deux de ses frères résident sur le territoire national, l'intéressé, célibataire et sans charges de famille, n'établit pas être dépourvu d'autres attaches familiales en Tunisie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. D... sur le territoire français, et alors même que l'intéressé travaille en France, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, M. B..., signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait, en sa qualité d'adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône, par l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône évoqué au point 4, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
8. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français et, en tout état de cause, celle fixant le pays de destination auraient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs exposés au point 6. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. D....
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est fondé ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour, ni à demander l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser au conseil de M. D... au titre des frais non compris dans les dépens que celui-ci aurait pu exposer s'il n'avait pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1806097 du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. D... tendant à l'annulation des décisions du 4 juillet 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée.
Article 2 : La demande mentionnée à l'article 1er présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.
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N° 19MA00577
mtr