Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée et régularisée les 17 février et 29 mars 2018, M. et Mme A..., représentés par la Selas Fiduciel, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification du 18 décembre 2012 est insuffisamment motivée ;
- le décret du 8 mars 1978 précise les conditions dans lesquelles les notaires peuvent accorder des remises totales sur leurs émoluments ;
- ils justifient que les remises des émoluments consenties par Me A... dans le cadre de sa profession, qui ne représentaient pas plus de 2 % du chiffre d'affaires, n'étaient pas de simples libéralités mais étaient consenties dans l'intérêt de l'exploitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 78-262 du 8 mars 1978 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la Selarl Philippe A..., dont M. A... est l'unique associé, l'administration a réintégré au résultat de cette société, imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux entre les mains de M. A..., une partie des remises d'émoluments consenties au titre des années 2009 et 2010. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice les a déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que de la majoration pour manquement délibéré appliquée à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2010 et a rejeté le surplus de leur demande.
2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Le 1 de l'article 92 de ce code dispose : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Aux termes du 1 de l'article 93 du même code : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ". Il résulte de ces dispositions que le montant des recettes à retenir pour la détermination du bénéfice imposable des contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux est le montant total des recettes que ceux-ci ont perçues du fait de leur activité professionnelle ou de l'occupation ou exploitation lucrative ou de la source de profits dont ils tirent parti. Si ces contribuables sont, en principe, sous réserve en ce qui concerne les professions libérales et les professions réglementées du contrôle qu'exercent les instances de supervision spécialement instituées à cet effet, seuls juges de l'opportunité des décisions qu'ils prennent, l'administration fiscale est cependant fondée à réintégrer dans leur résultat imposable le montant des recettes non déclarées qu'ils auraient anormalement renoncé à percevoir. Tel est le cas lorsque la renonciation en cause est dépourvue de contrepartie équivalente pour ces contribuables, qu'elle ne peut être regardée comme relevant de l'exercice normal de leur profession ou d'une pratique normale dans le cadre de leur occupation ou exploitation lucrative ou de l'utilisation de la source de profit dont ils tirent parti ou qu'elle n'est justifiée par aucun autre motif légitime.
3. Dans l'hypothèse où l'administration a mis en évidence la renonciation d'un contribuable titulaire de bénéfices non commerciaux à percevoir des recettes, et lorsque la charge de la preuve du bien-fondé de la rectification lui incombe en raison de la procédure d'imposition suivie, elle est réputée apporter cette preuve si le contribuable n'est pas en mesure de justifier que la renonciation à percevoir des recettes comportait une contrepartie équivalente pour lui ou reposait sur l'un des motifs mentionnés au point 3.
4. Aux termes de l'article 2 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Les notaires peuvent faire remise de la totalité des émoluments afférents à un acte déterminé ou aux différents actes reçus à l'occasion d'une même affaire ; sous réserve des dispositions des articles 3, 11 et 12, ils ne peuvent accorder ni remise partielle sur un acte déterminé, ni remise partielle ou totale sur l'un des actes reçus à l'occasion d'une même affaire qu'avec l'autorisation de la chambre dont ils dépendent ". En application de l'article 3 du même décret, dans le cas où le montant des émoluments afférents à un acte déterminé serait supérieur à 80 000 euros, le notaire et son client peuvent convenir d'une réduction d'émoluments pour la partie de la rémunération dépassant le seuil ainsi fixé. Enfin, en application des articles 11 et 12 dudit décret, le notaire peut, lorsqu'il y a négociation ou transaction ouvrant droit à un émolument, accorder une réduction partielle de cet émolument sans l'autorisation de la chambre de discipline.
5. Il résulte de l'instruction que les montants des remises d'émoluments en litige, effectués dans le cadre de l'activité professionnelle, s'élèvent pour la Selarl Philippe A... à la somme de 58 375,61 euros en 2010. Cette somme correspond à des remises d'émoluments consenties à des confrères, amis et apporteurs potentiels d'affaires que l'administration fiscale a regardées comme des renonciations à recettes ne relevant pas de l'exercice normal de la profession tandis qu'elle a admis, à l'inverse, de ne pas inclure dans les recettes imposables les remises consenties aux familles des collaborateurs ou employés de l'étude.
6. M. et Mme A... font valoir que les remises en litige ont été accordées conformément aux dispositions du décret du 8 mars 1978 qui autorisent les remises d'émoluments afférents à un acte déterminé. En application de l'article 2 de ce décret, les notaires peuvent accorder la remise totale des émoluments afférents à un acte déterminé ou aux différents actes reçus à l'occasion d'une même affaire et, sur autorisation de la chambre dont ils dépendent, soit la remise partielle sur un acte déterminé, soit la remise partielle ou totale sur l'un des actes reçus à l'occasion d'une même affaire. Il n'est pas contesté que les remises sur émoluments en litige sont exclusivement des remises totales afférents à un acte déterminé ou aux différents actes reçus à l'occasion d'une même affaire. Ainsi, le contribuable justifie que la renonciation à percevoir les recettes correspondant aux remises totales qui ont été accordées par l'étude notariale sur les émoluments, dès lors qu'elle repose sur cette faculté offerte aux notaires par voie réglementaire sans autre condition ou réserve, est conforme à la réglementation et relève, dès lors, de l'exercice normal de sa profession alors même qu'elle serait dépourvue de contrepartie équivalente. Par suite, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a inclus dans leur base d'imposition le montant des remises en litige.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de leur demande en décharge.
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à M. et Mme A... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 (soit la somme de 25 160 euros).
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
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N° 18MA01014
mtr