Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2018, Mme C... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1703200 du 19 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé un pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu l'article L. 313 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté préfectoral méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse A..., ressortissante camerounaise née le 14 juillet 1970, est entrée en France le 28 décembre 2004, sous couvert d'un visa court séjour. Après s'être maintenue irrégulièrement sur le territoire français, elle a épousé le 17 décembre 2005 un ressortissant français et obtenu un titre de séjour en cette qualité le 27 février 2006, renouvelé une fois. Par une décision du 26 novembre 2008, le préfet du Gard lui a ensuite refusé le renouvellement de ce titre en raison de l'absence de communauté de vie et l'a obligée à quitter le territoire français. Elle a alors déclaré une reprise de la vie commune, et a bénéficié à nouveau d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français le 15 novembre 2010. Par une décision du 23 janvier 2013, le préfet lui a de nouveau refusé un titre de séjour après une nouvelle rupture de la vie commune et l'a obligée à quitter le territoire français. Par un arrêté du 10 août 2015, après avis défavorable de la commission du titre de séjour, le préfet du Gard a refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Enfin, par arrêté du 28 juillet 2017, le préfet du Gard a de nouveau refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Mme C... épouse A... a alors demandé l'annulation de ces décisions et par un jugement n° 1703200 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. C'est de ce jugement dont la requérante relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 dudit code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
3. Mme C... épouse A..., se prévaut d'une présence de plus de douze années sur le territoire français, il n'est pas contesté qu'elle réside en France de façon habituelle depuis la fin de l'année 2004 soit plus de douze ans à la date de la décision contestée et l'autorité préfectorale n'a pas soumis sa demande pour avis à la commission du titre de séjour avant de prononcer le refus de séjour en litige. Les dispositions citées ont donc été méconnues.
4. Cependant si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité de la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été, en l'espèce, privé d'une garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Il ressort des pièces du dossier que la commission du titre de séjour s'est déjà réunie et a rendu, le 25 mai 2015, un avis défavorable sur la précédente demande d'admission exceptionnelle au séjour, formée le 4 mars 2014. La nouvelle demande, que la requérante a présentée le 30 septembre 2016, est fondée sur les mêmes éléments, sans que soient invoqués des faits nouveaux intervenus depuis l'avis émis le 25 mai 2015. Dans ces conditions, la circonstance que le préfet n'ait pas consulté une seconde fois la commission du titre de séjour à la suite de cette nouvelle demande n'a privé la requérante d'aucune garantie et n'a pas exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Ainsi le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
6. Ni les conditions du séjour en France de l'intéressée, ni l'aide qu'elle apporte à son fils majeur ne sont de nature à caractériser des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. (...) ". Le préfet, représentant de l'Etat dans le département a notamment vocation à y faire respecter les lois relatives au séjour des étrangers en France.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'âgée de quarante-sept ans, Mme C... est séparée de fait de son conjoint. Elle a vécu trente-quatre ans au Cameroun, pays où elle n'est pas isolée puisqu'y résident sa mère à laquelle elle a confié ses trois autres enfants, ainsi que deux de ses frères. La circonstance que l'un de ses fils majeurs réside en France ne lui ouvre, par elle-même, pas de droit au séjour. Enfin il est constant que l'intéressée s'est régulièrement refusée à exécuter les décisions d'éloignement dont elle a fait l'objet. De tels agissements sont révélateurs d'une réticence à se soumettre aux lois du pays dans lequel Mme C... prétend s'intégrer. Dès lors, l'arrêté par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article 6 de la même convention : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. ". Il résulte de ces stipulations que par principe, les décisions de justice sont rendues de manière contradictoire, en présence des parties ou des personnes habilitées à les représenter. Ainsi, toute personne ayant un intérêt à défendre doit pouvoir être présente ou valablement représentée lors du procès.
10. Mme C... épouse A... a déposé le 24 novembre 2016 plainte pour viol contre personne dénommée. Cependant au cas où la procédure pénale serait toujours en cours ce qu'elle ne démontre pas, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne fera pas, par elle-même, obstacle à ce que la requérante puisse faire valoir utilement ses droits, dès lors qu'elle peut se faire représenter par un avocat pour défendre ses intérêts. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
11. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 8, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti (...). / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 8 et 10, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est ni entachée d'une erreur d'appréciation, ni de violation des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête, que par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
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N° 18MA04602