Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 novembre 2018 et le 8 février 2019, Mme C... épouse E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1803860 du 1er octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut sur celui de l'article L. 313-11 7° du même code, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 4°, L. 311-7 et L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en son principe ainsi qu'au regard du délai de départ volontaire qui lui est accordé ;
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors que, en application de la jurisprudence Diaby du Conseil d'Etat, transposable en l'espèce, elle ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire puisqu'elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- l'auteur de la décision attaquée n'est pas compétent ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse E..., ressortissante marocaine née le 5 octobre 1988, est entrée en Espagne le 4 novembre 2015 sous couvert d'un visa valable quinze jours délivré par les autorités espagnoles à Nador. Le 26 janvier 2018, elle a sollicité du préfet des Bouches-du-Rhône la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à raison de son mariage, célébré le 17 mars 2017 à Aix-en-Provence, avec un ressortissant français. Par un arrêté du 16 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme C... épouse E... a alors demandé l'annulation de ces décisions et par un jugement n° 1803860 du 1er octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. C'est de ce jugement dont la requérante relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. La décision en litige comporte de façon suffisamment circonstanciée l'indication des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de celle-ci doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français... ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un français est subordonnée à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Si elles n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, la compétence du préfet pour examiner la demande de visa de long séjour est elle-même subordonnée à certaines conditions, dont l'entrée régulière en France et l'existence d'une communauté de vie de plus de six mois avec le conjoint français.
6. Le préfet des Bouches-du-Rhône, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme C... au motif qu'elle ne justifiait pas d'une entrée régulière en France, doit être regardé comme ayant implicitement et nécessairement rejeté préalablement la demande de délivrance d'un visa long séjour. Il suit de là que Mme C... n'étant pas titulaire du visa de long séjour requis par l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait se fonder sur ce seul motif pour s'opposer à la délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions combinées des articles L. 313-11 4° et L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, la requérante ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elles étaient abrogées à la date de la décision attaquée.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Mme C... se prévaut de son mariage avec un ressortissant français le 17 mars 2017, soit moins de deux ans avant la date de la décision en litige. Elle fait valoir qu'elle vit en concubinage avec son époux depuis 2015, mais les pièces qu'elle produit sont insuffisantes pour établir le caractère effectif de cette vie commune depuis cette date. Enfin, elle allègue qu'elle est menacée par ses frères au Maroc, mais elle n'établit pas être dépourvue de toute autre attache dans son pays d'origine où elle déclare avoir vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, l'intéressée qui, comme le soutient le préfet des Bouches-du-Rhône, a la possibilité une fois rentrée dans son pays d'origine de solliciter auprès des autorités consulaires un visa de long séjour lui permettant de revenir régulièrement en France pour y rejoindre son époux, n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Selon l'article L. 313-14 du même code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de plein droit, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui permettant de bénéficier d'un titre de séjour de plein droit.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...). ".
13. Mme C... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige, dès lors que l'administration, qui a suffisamment motivé la décision relative au séjour était, de ce seul fait, dispensée de la motiver de manière distincte, en application des dispositions citées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En deuxième lieu, les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent, de façon générale, un délai de trente jours pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Alors même que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que le délai de départ volontaire soit prolongé, le cas échéant, d'une durée appropriée pour les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde ce délai de trente jours, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens.
15. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que doit être écarté le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
16. En quatrième lieu, à défaut d'établir qu'elle remplirait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
17. En cinquième lieu, le moyen tiré par Mme C... de ce que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.
18. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment s'agissant de la décision de refus de séjour, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en édictant la mesure d'éloignement en litige, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que cette mesure emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
19. En premier lieu et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent jugement s'agissant de la décision de refus de séjour, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait insuffisamment motivée.
20. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
21. Mme C... soutient qu'elle ne peut pas retourner au Maroc compte tenu des menaces proférées par sa famille qui n'aurait pas accepté son mariage. Toutefois, les attestations qu'elle produit ne permettent pas à elles seules d'établir qu'elle serait personnellement et actuellement exposée à des risques pour sa vie ou sa liberté ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Maroc. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les dispositions et stipulations susmentionnées doit être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête, que par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
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N° 18MA04700
jm