Par un jugement n° 1606706 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2017 et le 12 décembre 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône :
- soit de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- soit d'instruire à nouveau sa demande de titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'avis émis par le médecin de l'Agence régionale de santé est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas les mentions prévues par l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;
- la procédure suivie pour la transmission de l'avis du médecin est irrégulière au vu de sa nationalité à qui ne s'appliquent pas les stipulations de l'accord franco-algérien que le préfet a visées dans l'arrêté contesté ;
- cette erreur de droit l'a privé des garanties prévues par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour et parce qu'elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa seule présence dans la province de Nangarhar lui ferait courir un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne au sens du c) de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Carotenuto a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., de nationalité afghane, relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé du 21 août 2015, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque ; que l'emploi du conditionnel en ce qui concerne les conséquences d'un défaut éventuel de prise en charge ne révèle aucune irrégularité de cet avis qui comporte toutes les mentions exigées par l'arrêté du 9 novembre 2011 et, par suite, tous les éléments nécessaires à l'information du préfet pour prendre sa décision ; qu'il s'ensuit que M. B..., qui n'a été privé d'aucune garantie, n'est pas fondé à soutenir que l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé est irrégulier ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'arrêté contesté vise par erreur l'accord franco-algérien n'est pas par elle-même de nature à révéler une erreur de droit ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des mentions portées sur l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé qu'il a été transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'Agence régionale de santé ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur général n'aurait pas été effectivement mis en mesure de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour ; que dans ces conditions les modalités de transmission de l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé au préfet ont été respectées ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que M. B... se prévaut d'un certificat médical établi le 4 juillet 2016 par son médecin généraliste attestant qu'il souffre d'hypertension artérielle, d'hépatite B chronique, de diabète de type II, d'un syndrome psycho-traumatique et d'un syndrome dépressif réactionnel ; que toutefois, ce seul certificat médical, postérieur à l'avis émis le 21 août 2015 par le médecin de l'Agence régionale de santé, s'il atteste que l'état de santé de M. B... nécessite un traitement, ne permet pas de remettre sérieusement en cause cet avis dans lequel le médecin a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. B... était constitutive d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, M. B..., qui ne saurait, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé en cas de défaut de prise en charge de sa maladie, utilement faire état de l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que selon les articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 du même code ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre le cas de M. B... à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant que M. B... n'établissant pas l'illégalité du refus de titre de séjour, il n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions ni commis d'erreur de droit au regard de ces dispositions ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article L. 712-1 du même code : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : (...) - c) S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. " ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit de la gravité de la situation en Afghanistan, rendue publique par des rapports émanant d'organisations non gouvernementales et d'instances officielles, il règnerait dans cet Etat une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité afghane devrait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la demande d'asile formée par M. B... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été rejetée par décision du 28 février 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 octobre 2013 ; que sa demande de réexamen a également été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 8 juillet 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 aout 2015 ; que le requérant ne démontre pas être personnellement menacé ou exposé à des risques de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan ; que s'il fait valoir être originaire de la province de Nangarhar, frontalière du Pakistan, désignée comme particulièrement dangereuse, il ressort des motifs de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 octobre 2013 que les connaissances générales, peu personnalisées et par endroit erronées, du requérant relatives à la province de Nangahrar ne permettent pas d'établir la réalité de sa provenance de cette région ; qu'ainsi, sa provenance n'étant pas établie, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la situation sécuritaire prévalant dans cette province ; que la situation prévalant sur l'ensemble du territoire de l'Afghanistan n'est pas caractérisée par une violence généralisée résultant d'un conflit armé au sens des dispositions du c) de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, M. B..., qui par ailleurs ne démontre pas, ainsi qu'il a été dit, que le défaut de prise en charge médicale hors de France pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination a été prise en violation des stipulations et dispositions précitées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 avril 2018.
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N° 17MA01247
mtr