Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 septembre 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire d'ordonner le réexamen de la demande après avoir saisi la commission du titre de séjour ;
5°) d'enjoindre en toute hypothèse au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- sa demande étant fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celle de l'article L. 313-11-7° du même code, le jugement doit être annulé pour erreur de fait et erreur manifeste d'appréciation ;
- en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, la décision de refus d'admission au séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que sa présence en France depuis plus de dix ans est établie ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en conséquence de l'illégalité du refus de titre ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'erreur commise par le préfet sur le lieu de résidence de ses enfants, qui est le Sénégal et non la Mauritanie.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les observations de Me C... représentant M. B....
1. Considérant que M. B..., de nationalité mauritanienne, relève appel du jugement du 1er juillet 2015 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que l'erreur de fait et l'erreur manifeste d'appréciation que les premiers juges auraient commises en se méprenant sur le fondement de la demande de titre de séjour présentée par M. B... n'ont, à les supposer établies, d'incidence que sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;
4. Considérant que M. B... soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'un vice de procédure en ne soumettant pas sa demande à la commission du titre de séjour dès lors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; qu'il ne conteste cependant pas avoir cessé de travailler à compter de l'année 2012 ; qu'il ne produit pas en appel d'autres documents que ceux présentés devant les premiers juges à savoir, pour les années 2013 et 2014, un courrier de la caisse d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, des cartes d'aide médicale d'Etat délivrées en octobre de chacune des années, des ordonnances et certificats médicaux délivrés mensuellement jusqu'au mois d'août de chacune des années, un certificat médical daté du 18 décembre 2013 ainsi qu'un relevé de compte sur livret du 8 septembre 2014 ; que ces documents, compte tenu notamment de leur nature et de leur origine insuffisamment diversifiée, ne permettent pas d'établir la présence habituelle de l'appelant sur le territoire français tout au long des années 2013 et 2014, alors même qu'il s'est présenté en préfecture le 9 décembre 2014 pour déposer sa demande de titre de séjour ; qu'ainsi, M. B... ne peut être regardé comme établissant qu'au jour de la décision contestée il remplissait la condition de durée de séjour posée par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite et contrairement à ce qu'il soutient, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a travaillé en France jusqu'en 2011, sous le couvert d'une fausse carte de résident ; qu'il s'est maintenu en France malgré les refus de séjour qui lui ont été successivement opposés, dont le dernier, en date du 16 mai 2010, était assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'a entrepris de nouvelles démarches administratives pour régulariser sa situation qu'en décembre 2014 ; qu'il n'allègue pas avoir tissé en France des liens privés ou familiaux ; que la durée de séjour dont il se prévaut ne peut en tout état de cause être regardée à elle seule comme constituant un motif exceptionnel d'admission au séjour ; que, par suite, en estimant qu'il n'y avait pas lieu de régulariser sa situation, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 4 et 5 que M. B... ne peut se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus de titre qui lui a été opposée par l'arrêté contesté ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français dont cette décision est assortie serait dépourvue de base légale ;
7. Considérant, en troisième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit, M. B... ne se prévaut pas de liens privés ou familiaux qu'il aurait développés en France ; que, selon ses propres déclarations son père est retourné vivre en Mauritanie ; que s'il soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur sur le lieu de résidence de son épouse et de ses trois enfants, qui serait le Sénégal et non la Mauritanie, cette circonstance, qu'au demeurant il ne justifie pas davantage en appel qu'il ne l'a fait en première instance, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, dès lors que ses attaches familiales se situent en tout état de cause en dehors du territoire français ; que, dans ces conditions, le préfet a pu prendre à son égard une décision l'obligeant à quitter le territoire sans porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise, et donc sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2016.
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N° 15MA03869
nc