Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 12 novembre 2015, régularisée par courrier le 13 novembre suivant, et un mémoire enregistré le 26 novembre 2015, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 octobre 2015 ;
2°) d'annuler la décision de refus de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français du 24 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation ;
- le jugement est entaché d'une dénaturation de faits ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-11 et de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur de droit au regard du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision prononçant l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les observations de Me A..., représentant Mme B....
1. Considérant que Mme B..., née en 1976, de nationalité arménienne, relève appel du jugement en date du 13 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par Mme B..., a répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en relevant que les documents produits par l'intéressée, à savoir pour l'essentiel un certificat médical du docteur Lopez rédigé le 19 janvier 2015, la copie de son dossier médical délivré le 26 mai 2015, ainsi que deux ordonnances, étaient insuffisants pour remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en se référant à ces motifs pour écarter le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen ;
3. Considérant, en second lieu, que la circonstance que les premiers juges auraient commis une " dénaturation manifeste des faits " relève du bien-fondé du jugement attaqué et est, par suite, sans incidence sur sa régularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 24 juin 2015, qui vise notamment l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et l'avis défavorable rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, précise que l'état de santé de Mme B... ne nécessite pas son maintien sur le territoire français dès lors que le défaut de prise en charge ne peut pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, et indique qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales hors de France, où elle aurait vécu jusqu'en mai 2014, dès lors que selon ses déclarations ses deux enfants résident hors de France ; qu'ainsi, les décisions attaquées, contrairement à ce qui est soutenu, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et qui permettent de vérifier que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen de la situation personnelle de Mme B... ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
6. Considérant que pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 15 janvier 2015 qui indique que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié en Arménie et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays ; que sont versés au dossier des certificats médicaux établis par des médecins psychiatres le 24 novembre 2014 et le 19 janvier 2015, relevant que l'état de santé de Mme B..., décrite comme présentant une poly-pathologie somatique et psychiatrique ancienne, est caractérisé notamment par un trouble du contrôle des impulsions et une hypocondrie, aggravés par la précarité de sa situation, ainsi que des ordonnances et un extrait de son dossier médical traduit de l'arménien faisant état d'un suivi psychiatrique depuis 2007 ; que si les autres certificats médicaux et documents produits par Mme B..., établis postérieurement à l'arrêté critiqué, font état d'une aggravation de la pathologie psychiatrique se traduisant par une fixation hypocondriaque et, par ailleurs, d'une hépatite C dont le traitement a débuté en 2016, et s'il ressort de résultats d'examens médicaux que la requérante souffre d'une discopathie avec hernie et d'un syndrome du défilé thoraco-brachial, aucun de ces éléments n'est en tout état de cause de nature à valablement contredire l'avis précité quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de soins ; qu'en outre et en tout état de cause, les seules allégations de la requérante selon lesquelles les troubles psychiques dont elle souffre résulteraient de violences subies en Arménie, qui ne sont corroborées par aucune des pièces du dossier, ainsi que la circonstance mentionnée dans le certificat du docteur Benhaïm, hépato-gastro-entérologue, daté du 4 novembre 2015 selon laquelle " les traitements contre le virus de l'hépatite C ne sont pas disponibles en Arménie ", dénuée de toute précision, ne sauraient davantage suffire à démontrer l'absence de traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée ; que, par suite, Mme B... ne saurait être regardée comme démontrant qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) " ;
8. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code, obliger Mme B..., à laquelle la délivrance d'un titre de séjour a été refusée, à quitter le territoire français ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ;
12. Considérant que Mme B..., entrée en France en mai 2014, ne démontre ni n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ou à l'étranger, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-sept ans, et où résident ses deux enfants ; que, dans ces conditions, la mesure d'éloignement en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant, en dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, que Mme B... n'est pas fondée à faire valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, sans qu'elle puisse utilement faire état à cet égard, en tout état de cause, de la circonstance qu'elle aurait été menacée et battue en Arménie, dès lors que la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel la requérante pourrait être éloignée ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016 où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2016.
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N° 15MA04321
mtr