Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 avril 2017, le 31 octobre 2017, le 22 février 2018 et le 6 septembre 2018, la société Distribution Sanitaire Chauffage, représentée par Mes Chatel et Barreau, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 février 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales en litige au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'entrait pas dans le champ d'application de la taxe sur les surfaces commerciales, dès lors qu'elle exerce une activité de commerce de gros ;
- elle peut se prévaloir des précisions relatives à la notion de commerce de vente au détail figurant dans le bulletin officiel des finances publiques référencé BOI-TFP-TSC ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application de la réduction de 30 % du taux de la taxe prévue par l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, dès lors qu'elle exerce une activité de vente exclusive de meubles meublants et de matériaux de construction ;
- elle vend exclusivement des biens correspondant à la définition des meubles meublants résultant des énonciations du paragraphe 410 du bulletin officiel des finances publiques référencé BOI-TFP-TSC, qui reprend celles du paragraphe 48 de l'instruction administrative du 20 mai 2012 publiée au bulletin officiel des impôts référencé 6 F-1-12 ;
- une interprétation restrictive de la notion de meubles meublants est contraire à celle donnée dans la réponse du 11 avril 2006 du ministre de l'économie à la question du député A...n° 79333 ;
- en limitant le bénéfice de la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales aux seules professions exerçant une activité de vente exclusive de certaines marchandises, les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 ont ajouté une condition non prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 ;
- en prévoyant une condition d'exclusivité de la vente des marchandises énumérées pour bénéficier de la réduction de 30 %, l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 méconnaît les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ;
- dans le cas voisin des concessions automobiles, l'administration a admis, dans un rescrit n° 2012/34 du 15 mai 2012, que la vente d'accessoires et de pièces détachées ne fait pas perdre au concessionnaire le bénéfice de la réduction de 30 %.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 août 2017, le 28 mai 2018 et le 2 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Distribution Sanitaire Chauffage ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour la société Distribution Sanitaire Chauffage a été enregistré le 8 janvier 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Distribution Sanitaire Chauffage fait appel du jugement du 20 février 2017 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de son établissement de Montpellier, et des pénalités correspondantes.
I. Bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'assujettissement de la SAS Distribution Sanitaire Chauffage à la taxe sur les surfaces commerciales :
2. En premier lieu, l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 dispose que : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Lorsqu'un établissement réalise à la fois des ventes au détail de marchandises en l'état et une autre activité, le chiffre d'affaires à prendre en considération au titre de la taxe d'aide est celui des ventes au détail en l'état, dès lors que les deux activités font l'objet de comptes distincts (...) ".
3. Les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 n'interdisent pas l'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales des activités de commerce de détail réalisées dans des établissements pratiquant également le commerce en gros ou d'autres activités, à concurrence du chiffre d'affaires relatif à la surface de commerce de détail. Par suite, la société Distribution Sanitaire Chauffage, qui reconnaît elle-même avoir réalisé au cours de la période en litige des ventes auprès de particuliers, et qui a d'ailleurs spontanément déclaré la taxe correspondant à ces ventes, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'entrait pas dans le champ d'application de la taxe sur les surfaces commerciales.
4. En second lieu, la société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des précisions relatives à la notion d'activité de commerce au détail figurant au paragraphe n° 63 du bulletin officiel des finances publiques référencé BOI-TFP-TSC, publié postérieurement à la période d'imposition en litige.
En ce qui concerne l'application de la réduction de taux de 30 % :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
5. En premier lieu, aux termes du 17ème alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Le A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : / - meubles meublants ; / (...) - matériaux de construction (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'en subordonnant, par le A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, le bénéfice de la réduction de taux, fixée à 30 %, à la condition que l'activité de vente des marchandises qu'il énumère soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire s'est borné à déterminer le champ d'application de la mesure de réduction de taux prévue par le législateur en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées, sans excéder les compétences qu'il tenait des dispositions législatives citées au point précédent.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société Distribution Sanitaire Chauffage, ainsi qu'elle le reconnaît d'ailleurs elle-même, commercialise des articles qui ne constituent ni des meubles meublants ni des matériaux de construction. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que son activité consistait en la vente exclusive de matériaux de construction et de meubles meublants ni, par suite, qu'elle entrait dans le champ de la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995.
8. En troisième lieu, les ventes au détail de la société requérante au cours de l'année 2009 d'appareils et d'équipements sanitaires, d'appareils et d'équipements de chauffage et de production d'eau chaude, de chaudières, d'appareils et d'équipements de climatisation, d'accessoires à ces appareils et équipements ainsi que d'articles de robinetterie, qui ne constituent ni des meubles meublants ni des matériaux de construction au sens de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, représentent plus de la moitié du total de ses ventes au détail. Dans ses conditions, la société Distribution Sanitaire Chauffage, qui ne peut être regardée comme vendant à titre principal des meubles meublants et des matériaux de construction, ne peut utilement soutenir à titre subsidiaire que l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, en prévoyant une condition d'exclusivité de la vente pour bénéficier de la réduction du taux, méconnaît les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques en ce qu'il conduit à une différence de traitement entre les contribuables qui vendent exclusivement les marchandises énumérées par le décret et ceux qui en vendent à titre principal.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. En premier lieu, la société requérante ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des énonciations relatives à la notion de meubles meublants figurant au paragraphe 48 de l'instruction administrative du 20 mai 2012 publiée au bulletin officiel des impôts référencé 6 F-1-12, reprises ultérieurement au paragraphe 410 du bulletin officiel des finances publiques référencé BOI-TFP-TSC, s'agissant de la taxe due pour l'année 2010.
10. En deuxième lieu, la question n° 79333 posée par M. A..., député, ne soulevait pas une question d'interprétation du régime de la taxe sur les surfaces commerciales, mais demandait s'il était envisageable de réviser les modalités d'imposition de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat alors prévue par l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et à laquelle la taxe sur les surfaces commerciales s'est substituée à compter de l'année 2010. La réponse ministérielle apportée à cette question par le ministre de l'économie le 11 avril 2006, qui se borne à rappeler les divers dispositifs d'aménagement existants ou envisagés de la taxe, ne peut donc être regardée comme ayant entendu interpréter formellement l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et l'article 3 du décret du 26 janvier 1995. Par suite, la société requérante ne peut se prévaloir de ses énonciations.
11. En dernier lieu, la société requérante se prévaut d'une décision de rescrit n° 2012/34 du 15 mai 2012 publiée par l'administration fiscale. Il est toutefois constant que cette décision était relative à la vente d'accessoires et de pièces détachées par les concessionnaires automobiles. Par suite, la société Distribution Sanitaire Chauffage, qui n'entre pas dans les prévisions de ce texte, ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Sanitaire Chauffage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.
II. Frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Distribution Sanitaire Chauffage de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Distribution Sanitaire Chauffage est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Sanitaire Chauffage et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, où siégeaient :
- M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
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N° 17MA01620
nc